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mardi 26 novembre 2024

AccueilÉlevageL'HISTOIRE DU MEILLEUR CHEVAL DU MONDE (2/2)

L’HISTOIRE DU MEILLEUR CHEVAL DU MONDE (2/2)

L’HISTOIRE DU MEILLEUR CHEVAL DU MONDE (2/2)

Ce sera bientôt officiel. Selon les ratings, Goliath, entraîné à Chantilly, est le meilleur cheval de gazon du monde suite à son écrasante victoire dans les King George ! Voici son histoire, racontée par Adrien Cugnasse. Voici aujourd’hui la partie 2 : “Un croisement bien connu des éleveurs français” (hier a été publiée la partie 1 : “La stratégie gagnante de Schlenderhan”). 

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

Assez tôt dans l’histoire du galop allemand, des chevaux entraînés et élevés outre-Rhin sont allés gagner en Angleterre. La première de ces victoires remonte à 1848, sur la piste de Newmarket. Comme nous l’avons vu dans l’épisode précédent, le galop allemand a connu des périodes d’expansion et de repli, en fonction du contexte économique et politique. Eduard von Oppenheim, le fondateur du Gestüt Schlenderhan, a commencé à acheter des juments en Angleterre dans les années 1870… avec la ferme intention d’y revenir pour gagner des courses. C’est ce qui vient d’arriver à son descendant, le jeune baron Philip von Ullmann, auréolé d’une première victoire de haut rang avec Goliath (Adlerflug). L’homme représente l’avenir de ce grand élevage, alors même que beaucoup de grands haras européens se retrouvent sans repreneur. Au lendemain du succès de Goliath, Philip von Ullmann nous a confié : « Pour être tout à fait honnête, j’ai encore du mal à réaliser ce qu’il s’est passé. C’était irréel. Quand je l’ai vu accélérer, j’avais l’impression d’être dans un film. Goliath a signé une performance qui le place tout en haut dans le panthéon hippique de ma famille, aux côtés des grands noms qui ont jalonné cette longue histoire. » 

Un destin contrarié 

« À 2ans, Goliath a eu un kyste qu’il a fallu opérer. Le cheval a encore quelques vis dans une jambe. Nous l’avons castré sans regrets car une carrière d’étalon était devenue hypothétique, du fait qu’il ne coure ni à 2ans ni au printemps de ses 3ans. Cela a aussi évité qu’il ne prenne trop de masse. Vous connaissez la suite de l’histoire. Il a débuté à la fin du mois de mai de ses 3ans et sa progression a été spectaculaire sur le plan mental et physique. Honnêtement, c’est à peine croyable. Francis [Graffard, ndlr] a réussi à entraîner ce cheval à la perfection pour qu’il soit à la plénitude de ses moyens à Ascot. Dans les King George, pour la première fois de sa vie, il a eu la course dont il avait besoin. Avec beaucoup de rythme. Cet objectif, nous l’avions depuis longtemps. D’où le fait d’aller sur les Hardwicke Stakes où, comme vous le savez, le train n’a pas été sélectif. Et Goliath a été battu. Cela étant dit, au moins, il avait pu montrer qu’il était capable de s’adapter au tracé d’Ascot. Pour la grande course, nous comptions vraiment sur les leaders de Ballydoyle. Et c’est ce qui s’est passé. La question, c’était de savoir s’il était assez bon. L’espoir était là. Mais qui aurait pu prédire que Goliath allait gagner avec autant de marge ? J’en suis encore sous le choc. » 

Le bon cheval au bon endroit

Par le passé, le Gestüt Schlenderhan a disposé d’un entraîneur privé à domicile, et parmi eux, il y a eu notamment Jean-Pierre Carvalho. Désormais les chevaux sont répartis entre la France, l’Allemagne, l’Irlande et l’Angleterre. Philip von Ullmann explique : « Si vous voulez avoir des résultats à l’international, vous ne pouvez pas garder tous vos chevaux à l’entraînement en Allemagne. Ceux qui sont en France, par exemple, ont rapidement des lignes qui permettent de les situer et éventuellement de tenter quelque chose, comme avec Goliath. Nous aurons toujours des sujets à l’entraînement en Allemagne par soutien pour la filière de notre pays. Mais nous n’y mettons plus les meilleurs. D’une manière générale, le but est de trouver le meilleur endroit pour que chaque cheval puisse s’exprimer. » Ainsi Tasmania (Australia), troisième du Diane sous l’entraînement Graffard, a quitté Chantilly pour rejoindre l’Angleterre et Sir Mark Prescott, car Schlenderhan était convaincu qu’elle ferait mieux dans les courses plus sélectives du programme britannique. Le calcul était intéressant mais elle s’est malheureusement accidentée dans les Pretty Polly Stakes (Gr1). 

Un croisement réussi

Justement, en Angleterre, Goliath a brillé par l’explosivité de son accélération dans la phase finale… grâce à un train plus sélectif. À titre de comparaison, allez voir la victoire de son père Aderflug (In the Wings) dans le Derby allemand. Et vous comprendrez d’où vient cette classe. Philip von Ullmann poursuit : « Il y a énormément d’Adlerflug dans Goliath. On ne peut pas faire plus Schlenderhan que son pedigree. Son père courait pour nous et vient de l’une de nos familles historiques, celle des «A». Sa mère est issue d’une souche qui est au haras depuis quatre générations. Sur cette famille, nous avons voulu ramener de la vitesse, en utilisant Shamardal [alors proposé à 50.000 €, suite aux victoires classiques de Lope de Vega, ndlr]. Cela nous a donné Gouache, future mère de Goliath [gagnante sur 1.600m et lauréate de Listed sur 1.800m à 4ans, ndlr] qui, de notre point de vue, correspondait parfaitement à Adlerflug. Avec les chevaux, il faut savoir faire preuve de patience. Et avec Goliath, nous en avons été récompensés. » Adlerflug a donné neuf gagnants de Gr1 et les tout meilleurs avaient un père de mère vecteur de vitesse, comme Alenquer (mère par Areion), Goliath (mère par Shamardal), Iquitos (mère par Areion), Mendocino (mère par Pivotal) et Torquator Tasso (mère par Toylsome). Ce dernier, bien qu’élève d’une tierce personne, le sympathique Néerlandais Paul H. Vandeberg, est un pur produit du Gestüt Schlenderhan, comme son père et comme sa mère.

Né pour ne pas être précoce

Goliath est-il tardif ? Où ses problèmes de santé ont-ils perturbé son évolution ? : « Les deux je pense. Du côté paternel comme du côté maternel, beaucoup de chevaux ont vraiment pris leur envol à 4ans. C’est le cas de tous mes meilleurs produits d’Adlerflug par exemple. D’une manière générale, la plupart des grands chevaux élevés par Schlenderhan étaient aussi dans ce cas de figure. » Quand Philip von Ullmann a-t-il compris que Goliath était un tout bon ? Il répond avec franchise : « Cette année, quand il a été battu dans le Prix Lord Seymour (L), nous avons tous commencé à comprendre que quelque chose sortait de l’ordinaire. Ensuite, lorsqu’il a remporté de trois longueurs le Prix d’Hédouville (Gr3), nous avons eu la confirmation qu’il était un vrai cheval pour les Grs1. Mais pas de là à gagner les King Georges avec autant de marge, bien sûr ! » 

En juillet 2023, Goliath a gagné le Grand Prix de Clairefontaine (L), avant de se classer quatrième du Prix du Prince d’Orange (Gr3). C’était donc déjà un bon cheval. Mais qui aurait pu prédire qu’il deviendrait le meilleur cheval du monde douze mois plus tard ? Personne. Sa mère, Gouache, est passée sur le ring d’Arqana. Le marteau est tombé à 200.000 €. L’acheteur, dont l’identité reste incertaine, serait un Ukrainien représenté par le courtier grec Antonios Antoniadis. La rumeur dit que son nouveau propriétaire est Konstantin Zgar (Millennium Stud), à la tête d’un important effectif à l’entraînement en Pologne, mais avec aussi des chevaux en Irlande. Une information impossible à vérifier et à prendre avec des guillemets. La famille Ullman a conservé trois sœurs de Goliath.

Ne jamais cesser d’aller à l’étranger

La deuxième mère de Goliath est issue de Dynaformer (Roberto), le Gestüt Schlenderhan ayant envoyé un certain nombre de juments aux États-Unis pour être saillies. Par la voie mâle, comme par la voie femelle, les Ullmann ont beaucoup acheté et fait saillir hors d’Allemagne. La liste de leurs partants dans l’Arc en témoigne. L’origine de Goliath est arrivée chez les Ullman dans les années 1990 avec Guernica (Unfuwain), achetée en Angleterre mais issue d’une souche bien connue de l’élevage Wertheimer (celle de Goldikova, Gold River…). Les périodes creuses sur le plan des performances, comme les années 1960, correspondent à celles où le haras s’est contenté d’utiliser les étalons locaux. À l’inverse, des phénomènes comme Priamos (mère venue d’Angleterre) et Asterblute (père français) attestent de la réussite des périodes d’ouverture.

LES PARTANTS DU GESTÜT SCHLENDERHAN DANS L’ARC
Édition Cheval (Classement) Père (Lieu de monte) Éleveur Jument fondatrice
2022 Mare Australis (15) Australia (Irlande) Stall Ullmann Minaccia (1995) achetée en Allemagne
2020 In Swoop (2)  Adlerflug (Allemagne) Stall Ullmann Yonne (1936), achetée à François Dupré
2016 Savoir Vivre (8)  Adlerflug (Allemagne) Stall Ullmann Schwarze Kutte (1920), achetée en Angleterre
2014 Ivanhowe (18)  Soldier Hollow (Allemagne) Gestüt Schlenderhan Yonne (1936), achetée à François Dupré
2010 Wiener Walzer (12) Dynaformer (États-Unis) Gestüt Schlenderhan Walzerkoenigin (1995), achetée aux États-Unis
2009 Getaway (13)  Monsun (Allemagne) Baron Georg von Ullmann Guernica (1994), achetée en Angleterre
2008 Getaway (8) Monsun (Allemagne) Baron Georg von Ullmann Guernica (1994), achetée en Angleterre
2007 Getaway (4) Monsun (Allemagne) Baron Georg von Ullmann Guernica (1994), achetée en Angleterre
2006 Shirocco (7) Monsun (Allemagne) Baron Georg von Ullmann So Sedulous (1991), achetée en Allemagne
2005 Shirocco (4) Monsun (Allemagne) Baron Georg von Ullmann So Sedulous (1991), achetée en Allemagne
1999 Tiger Hill (5) Danehill (Irlande) Gestüt Wittekindshof
1998 Tiger Hill (3) Danehill (Irlande) Gestüt Wittekindshof
1937 Sturmvogel (5) Oleander (Allemagne) Gestüt Wittekindshof Schwarze Kutte (1920), achetée en Angleterre
1929 Oleander (3) Prunus (Allemagne) Gestüt Schlenderhan Orseis (1897), achetée en Angleterre
1928 Oleander (5) Prunus (Allemagne) Gestüt Schlenderhan Orseis (1897), achetée en Angleterre

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