POUR UN TEMPLE DU CHEVAL À AUTEUIL
Que peut devenir Auteuil ? Emmanuel Roussel et Jean-Louis Gouraud – grand défenseur et illustrateur du cheval en France – ont une idée : y faire vivre le cheval tout au long de l’année pour (re)conquérir Paris et le cœur des Français.
Un projet de chantier, rendu nécessaire par une mise aux normes qui n’a que trop tardé, est pour le moment en suspens. Les projets nécessitaient d’une quarantaine à une soixantaine de millions d’investissements, selon les versions, mais le modèle économique laissait encore à désirer. L’exemple de Longchamp était-il pertinent dans ce contexte ? L’équipe de Guillaume de Saint-Seine a donc décidé d’approfondir le dossier et c’est certainement une bonne chose.
Le projet le plus abouti parmi les trois qui furent présentés il y a un an devant le comité de France Galop prévoyait la destruction de la tribune mixte et de celle du Pavillon pour laisser place à un vaste espace vert.
C’est une piste intéressante, et la contemplation d’Auteuil un jour de courses, à partir des terrasses qui dominent le rond de présentation ou des gradins qui font face aux pistes, suggère comme une évidence : quelle belle cité du cheval nous aurions là  !
Le cheval, nous l’avons sous le nez tous les jours et nous ne le considérons peut-être pas assez comme un atout. Pourtant, le noble animal a été érigé en valeur universelle. Chacun sait comme le public l’admire. Pourtant, il est devenu inaccessible au plus grand nombre, dans nos grandes villes. Et Paris, naturellement, n’a pas échappé au phénomène.
Un trait d’union entre les hommes
Or Auteuil, bijou désuet mais toujours inestimable, peut être bien plus que le temple de l’Obstacle. Il a le profil d’un temple du cheval et des équidés dans tous leurs usages, dans toutes leurs expressions, dans toutes leurs cultures, car ils forment un trait d’union entre les hommes qui, des steppes d’Asie aux plaines du Far-West, de la Patagonie aux déserts d’Arabie en passant par l’Islande, de Rome à Karakorum, lui doivent leurs empires, et les rêves qu’ils ont portés pour eux.
Un temple où l’on voit, où l’on touche, caresse, panse, où l’on apprend, où l’on change, où l’on renoue un lien que la brutale industrie a rongé : un haras vivant, des écuries, des manèges, des carrières, des promenades (y compris le long des parcours, les jours de course, comme on peut suivre un cross de complet), des collections vivantes et/ou des expositions, des concours de modèle, des écoles et des académies, pour que le cheval, chaque jour, puisse trouver tous ses publics, et continuer de nous émerveiller, tandis que le progrès nous éloigne toujours plus de notre histoire commune.
Pour gagner son avoine
Pour porter ce projet, pour qu’il satisfasse la nécessité d’être utile et viable, France Galop devrait, bien sûr, s’allier avec d’autres institutions hippiques, mais aussi à des prestataires privés, français et étrangers. Il faudra partager un site tellement sous-exploité avec d’autres équitations, avec d’autres chevaux.
C’est là toute la difficulté. Mais c’est aussi là tout le secret. Pour continuer de nous émerveiller, la noblesse du cheval mérite un front populaire.
Chacun sait qu’Auteuil doit gagner son avoine. Mais quel meilleur pari que le cheval à Paris ? Quel meilleur atout pour fédérer et convaincre ? Quelle meilleure façon, aussi, de redonner à ce site un sens, comme une cathédrale bâtie sur les fondations d’un temple romain, et aux courses ce rôle social dans la vie des Franciliens qui lui fait tant défaut aujourd’hui ?
Auteuil se cherche depuis trop longtemps. Peut-être le cheval lui permettra-t-il de trouver, une fois encore, son chemin dans le futur.