LES SECRETS DE L’ÉLEVEUR AIDAN O’BRIEN
Vous connaissez Aidan O’Brien, l’entraîneur le plus titré de notre temps… si ce n’est de tous les temps ! Mais connaissez-vous Aidan O’Brien l’éleveur ? Pendant que monsieur entraîne à Ballydoyle, madame (Annemarie O’Brien) supervise leur élevage sous l’entité Whisperview Trading Limited. Leurs enfants, Joseph, Donnacha, Sarah et Ana sont tous impliqués dans ce projet familial. C’est bien simple, le temps d’un meeting, l’élevage des O’Brien a fait jeu égal avec les poids lourds du secteur comme Coolmore (éleveur d’Illinois et d’Auguste Rodin), le cheikh Mohammed Obaid Al Maktoum (Rossalion et Inisherin)… soit les deux autres seuls éleveurs à avoir « sorti » deux gagnants de Groupe la semaine dernière à Ascot. Même le plus petit Groupe d’Europe reste une course incroyablement difficile à remporter. Alors « sortir » un lauréat de Groupe à Royal Ascot est quelque chose d’assez exceptionnel pour un éleveur. Alors imaginez en sortir deux ! C’est le cas de « Whisperview Trading » avec Porta Fortuna (Caravaggio), impressionnante lauréate des Coronation Stakes (Gr1) ou encore de Port Fairy (Australia), gagnante des Ribblesdale Stakes (Gr2). Sans oublier, Heavens Gate (Churchill), troisième des Albany Stakes (Gr3). La méthode des O’Brien pour parvenir à ces résultats est assez inhabituelle, pas facile à reproduire mais en tout cas riche en enseignements !
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
L’anti-boutique !
Si l’on observe les éleveurs qui sont capables de « sortir » régulièrement des gagnants à Royal Ascot – en dehors des courses de 2ans – on trouve bien souvent les grandes maisons du secteur, avec beaucoup de partants, des saillies extrêmement chères et des juments achetées à prix d’or, que ce soit sur pedigree et/ou sur performance. À côté de cela, on retrouve également des opérations commerciales dites « boutique ». C’est-à -dire un petit volume de chevaux mais avec des pedigrees exceptionnels, destinés à passer dans les meilleures ventes publiques. Mais de manière tout à fait surprenante, les O’Brien eux, ne correspondent à aucun de ces deux schémas : ils misent sur le volume, à partir de juments achetées à petit prix, sans passer par les ventes de foals/yearlings. Et cela ne les a pas empêchés de « sortir » sur les deux dernières décennies des gagnants de Breeders’ Cup et des classiques.
La cavalerie
« Whisperview Trading », c’est vraiment l’antithèse d’une opération « boutique ». À commencer par le volume. Si vous avez des insomnies à répétition ou un trajet « Singapour-New York » à faire en avion, vous aurez certainement le loisir d’éplucher les 350 pages en petit caractère du dernier Return of Mares. C’est extrêmement long ! Après quelques heures de transpiration, on arrive au constat suivant. La famille O’Brien fait saillir environ 60 poulinières par saison, quasi exclusivement à Coolmore et toujours en Irlande. Dans l’ordre, les étalons qu’ils ont le plus utilisés en 2023 sont Sottsass (11), Australia (10), Starspangledbanner (10), Ten Sovereigns (8), Wootton Bassett (6), No Nay Never (4), St Mark’s Basilica (3), Blackbeard (2), Churchill (2) et Holy Roman Emperor (2). Un mélange d’étalons de tête et de vieilles gloires, avec d’autres jeunes sires utilisés en années creuses ou encore des débutants : assurément des choix basés sur l’expérience de terrain ! À eux trois, les entraîneurs de la famille O’Brien doivent avoir une petite idée sur la question car ils ont vu passer quelques milliers de jeunes chevaux entre leurs mains ces dernières années.
Théoriquement, dans un monde idéal où toutes ces juments saillies en 2023 donneraient un foal viable, cela reviendrait à faire signer un chèque d’un peu plus de 3 millions d’euros ! Mais lorsqu’on entraîne pour une grande maison comme Coolmore, la logique et la tradition veulent que l’on obtienne (parfois) des « breedinds rights » et (plus souvent) des « tarifs préférentiels ». Ou tout du moins que des arrangements soient possibles ! Ce sont les conditions sine qua non pour faire saillir autant – sans être un vrai vendeur de foals ou de yearlings – et donc en allant aux courses avec sa production. Qui plus est dans un pays (l’Irlande) où il n’y a pas de primes à l’éleveur et où les allocations ne sont pas mirobolantes. Dans une interview accordée au TDN en 2022, Ana O’Brien expliquait : « Les gens peuvent avoir l’impression que nous ne sommes pas des vendeurs [de foals et de yearlings, ndlr] mais nous le sommes. C’est nécessaire pour faire tourner la boutique et nous n’avons pas peur de vendre les bons aussi car on ne peut pas tout garder. » Une impression entretenue par le fait que dans cet élevage, la plupart des chevaux de Gr1 ont été entraînés par Aidan, Joseph ou Donnacha O’Brien. De jeunes animaux qui ont parfois débuté sous les couleurs d’un ou plusieurs associés de Coolmore. Ou alors avec la casaque d’Annemarie O’Brien – éventuellement celle d’un syndicat – avant d’être revendus sur performance dans le très lucratif marché des chevaux à l’ent
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