Longchamp, dimanche
Emirates Poule d’Essai des Pouliches (Gr1)
Rouhiya (K), in extremis
1re ROUHIYA
2e KATHMANDUÂ
3e VESPERTILIOÂ
Le destin d’un cheval tient à peu de chose. À 15 h 50, la piste de Longchamp était mesurée 3,2 (bon). Quelques minutes après l’arrivée de l’Emirates Poule d’Essai des Pouliches (Gr1), un orage l’a considérablement assouplie. In extremis ! Rouhiya (K) (Lope de Vega), pouliche de bon terrain, est allée chercher son classique sur la piste dont elle avait besoin. La fragilité du destin tient aussi à son programme. Il s’en est fallu de peu pour qu’elle ne coure samedi dans le Prix des Lilas (L). Au terme d’une fin de course spectaculaire, Rouhiya est venue chercher le septième succès des Aga Khan Studs dans la Poule (si l’on compte Darjina, en 2007, sous les couleurs de Zahra Aga Khan). Le record de Marcel Boussac, avec huit victoires dans ce classique, se rapproche à grand pas. Et l’histoire est d’autant plus belle que Rouhiya remonte justement à une origine Boussac !
Un bon parcours malgré le numéro 10
L’anglaise Kathmandu (Showcasing) est allée devant dès le départ. Rouhiya, qui s’est élancée avec le 10 à la corde, a avancé pour se placer au contact de l’animatrice, avec la très en vue Romantic Style (Night of Thunder) à son extérieur. Pour trouver leur place, certaines pouliches ont dû faire le forcing et la future lauréate n’a pas eu toutes ses aises. À cet instant, elle aurait pu perdre son sang-froid. Mais Maxime Guyon est parvenu à la détendre en la cachant dans le sillage de Romantic Style.
À l’open stretch, plusieurs pouliches comme Rose Bloom (K) (Lope de Vega) ont plongé à l’intérieur, sans parvenir à aller jusqu’au bout. Rouhiya a attendu son heure, suivant la progression de Kathmandu et Romantic Style. Maxime Guyon a temporisé au maximum. Et à 200m du but, il a lancé sa partenaire qui est venue entre ses deux adversaires. Tenace, Kathmandu n’a rien lâché. Mais elle n’a rien pu faire face au changement de vitesse de Rouhiya. Kathmandu échoue à une tête de la lauréate. Grâce à une très belle fin de course, Vespertillo (Night of Thunder) complète le podium, à une encolure. Malheureuse durant le parcours, Romantic Style prend la quatrième place à une courte tête. See You Around (Siyouni) a été très courageuse et prend la cinquième place. La favorite, Louise Procter (K) (Siyouni), est treizième.
Ce n’était pas le plan
Maxime Guyon a remporté la Poule des Pouliches pour la deuxième fois. Encore à cheval, il a déclaré : « Ce scénario n’était pas prévu. Vu son numéro à la corde, nous voulions la monter en retrait. La course n’avançait pas. Une fois dans un dos, elle s’est détendue. Francis m’avait dit ne pas venir trop tôt car elle accélère très fort, mais pas sur une distance très longue. Une fois qu’elle est venue entre les deux pouliches qui la devançaient, le plus dur était fait. Elle a mis son cÅ“ur sur la piste. C’est une pouliche qui apprécie les pistes fermes et pour sa rentrée c’était lourd [troisième du Prix du Louvre, Classe 1, en terrain collant, ndlr]. C’est magique, cela fait plus d’une décennie que je n’avais pas gagné un Gr1 pour cette casaque. »
Francis-Henri Graffard détaille : « Cela a été une course incroyable. Nous avons eu un déroulement parfait, malgré le mauvais numéro. Maxime Guyon a pris un bon départ. Je n’ai pas eu l’impression que beaucoup voulaient prendre leurs responsabilités. Quand j’ai vu Rouhiya prendre le dos de Romantic Style, qui avait une vraie chance, je savais qu’elle allait complètement lâcher son mors et qu’elle allait bien s’oxygéner. Cela a payé pour finir dans la ligne droite. Dans ce terrain, ce n’est pas du tout la même pouliche que la dernière fois. Maxime a donc patienté, encore et encore, avant de venir. » La princesse Zahra Aga Khan, extatique, nous a dit : « J’ai eu très peur durant la ligne droite. Maxime a monté une superbe course, la pouliche a été parfaitement positionnée, en sachant ménager ses forces. À mi-ligne droite, l’incertitude était grande. Pour un éleveur, produire une pouliche comme elle, c’est extraordinaire. Francis a eu l’instinct, l’année dernière, de voir en elle une pouliche de Poule. Cette semaine, nous nous sommes posé la question. Fallait-il courir la Poule dimanche à Longchamp ? Ou le Prix des Lilas (L) samedi à Chantilly ? Nous pensons à l’avenir, c’est-à -dire à l’élevage. Nous avons donc tenté la Poule. »
De Royer à Graffard
Visiblement ému par cette victoire, Francis-Henri Graffard remporte son troisième classique après le Derby allemand (In Swoop) et le Prix de Diane (Channel). Comme Channel (Nathaniel), Rouhiya n’avait jamais couru au niveau black type avant le classique. Deux pouliches sous-exposées qui ont su « faire feu » le jour J. On sent dans cette manière de faire l’influence d’Alain de Royer Dupré, dont Francis-Henri Graffard fut l’assistant. L’ancien mentor du gagnant du jour nous a confié non sans humour : « Mes anciens assistants n’ont pas besoin de moi ! Peut-être ont-ils parfois même appris ce qu’il ne fallait pas faire chez moi (rires) avant de se faire leur propre expérience. C’est formidable ce que Francis a fait avec cette pouliche. Je suis très content de sa victoire. Elle travaillait bien et lorsque vous avez un bon cheval… »
On commence à y voir plus clair
Le climat change et il malmène la préparation aux classiques. Ce n’est pas un hasard si Rouhiya et les deux lauréats des Guinées à Newmarket sont passés par les P.S.F. La Poule d’Essai des Pouliches 2024 était vraiment très difficile à décrypter car beaucoup ont suivi des chemins de traverse afin d’éviter les terrains défoncés de début d’année. C’est le cas de la gagnante qui n’avait jusqu’alors jamais pris part à une épreuve black type, la pluie poussant son entourage à éviter les préparatoires « officielles ». Les trois premières ont d’ailleurs des cotes élevées, signe de la confusion qui régnait en ce début de saison : Rouhiya (31/1), Kathmandu (46/1) et Vespertilio (18/1). Francis-Henri Graffard analyse : « J’ai mis beaucoup de temps avant de lui faire effectuer sa rentrée car c’est une vraie pouliche de bon terrain. La météo a joué avec ma patience et j’ai donc pris la décision de la rentrer dans le Prix du Louvre, malgré le terrain, car c’était la dernière option. Nous avons vu qu’elle s’était un peu enlisée à la fin. En revanche, Rouhiya était beaucoup montée en condition et avait très bien travaillé. J’avais hésité entre la Poule et le Prix des Lilas, mais la princesse m’a conseillé de tenter le coup. C’est mon premier Gr1 pour la casaque, qui plus est dans un classique. J’ai toujours bien aimé Rouhiya. Je savais que j’avais emmené ma pouliche au top pour aujourd’hui. L’an passé, lorsqu’elle a gagné son maiden à Deauville, elle a refait la ligne droite d’elle-même, surprenant même son jockey. Je me suis alors dit qu’elle était bonne, jusqu’à penser que c’était notre pouliche pour la Poule. Nous avons gagné le Prix de la Grotte avec Candala, mais les planètes se sont bien alignées avec Rouhiya. Elle est vraiment montée en puissance, et était au top pour le Jour J. Pour la suite, je ne suis pas sûr qu’elle soit capable de tenir des distances plus longues. Nous allons en discuter avec l’entourage, mais nous allons savourer dans un premier temps ! »
La victoire de l’élevage
Georges Rimaud, aux anges, nous a confié : « C’est extraordinaire. On mesure parfois mal le poids et l’importance de ce type de victoires classiques. » Les deux dernières lauréates de la Poule, Ervedya (Siyouni) et Zarkava (Zamindar), sont les mères de deux des étalons du haras de Bonneval (Erevann et Siyouni). Rouhiya porte donc en elle l’espoir d’avoir un jour peut-être un de ses fils au haras ! Une heure avant la victoire d’un fils de Zarak (Dubawi) dans la Poule des Poulains, la princesse Zahra Aga Khan nous a confié : « Notre élevage vit aussi un grand moment avec la réussite des étalons Zarak et Siyouni. Leur réussite n’est pas une coïncidence, c’est un travail de longue haleine et beaucoup de choses plaident en leur faveur sur le papier. C’est un jeu d’échecs avec la nature, comme aime à le dire mon père, mais voilà ce que nous essayons de produire. Dans cette quête, nous sommes aidés par le fait que nous n’avons pas besoin de suivre une mode. Nous suivons notre propre route en lançant les étalons qui nous semblent être les plus appropriés sur le plan généalogique.  »
Dans le clan des placées
Direction Royal Ascot pour Kathmandu
La candidature de Kathmandu était d’autant plus « amusante » qu’elle participait seulement à sa quatrième sortie et à sa première sur 1.600m. Quel rêve pour Sam Sangster et Ed Babington que d’aligner une pouliche au départ de la Poule d’Essai, achetée 50.000 Gns aux ventes en tant que 2ans inédite. Sa dernière apparition était bonne puisqu’elle restait sur une troisième place dans les Lanwades Stud Nell Gwyn Stakes (Gr3, 1.400m), à Newmarket. Mais de là à imaginer un podium classique ! Kathmandu a de la vitesse et devrait désormais évoluer sur un peu plus court. Sa saison s’annonce très belle ! Après la course, Sam Sangster nous a confié : « C’est une performance fantastique. Nous avons acheté cette pouliche en juillet dernier. Elle a eu besoin d’un peu de temps pour s’adapter à son nouvel environnement. Elle n’a fait que progresser depuis qu’elle est à la maison. Elle a ouvert son palmarès fin novembre puis nous lui avons accordé un petit break. Elle a un tempérament fantastique, qu’elle tient sans doute de son père de mère, Galileo. C’est une super pouliche qui a un grand avenir. Brian Meehan et moi-même achetons des chevaux ensemble depuis dix ans. Je suis ravi pour lui et son équipe. Nous irons certainement à Royal Ascot avec elle, dans les Jersey Stakes (Gr3), sur une distance plus courte. »
Vespertilio tient !
Vespertilio avait montré de la vitesse l’an passé à 2ans, gagnant les Debutante Stakes (Gr2, 1.400m) et se classant deuxième des Moyglare Stud Stakes (Gr1, 1.400m) sur une piste assouplie. Dans la Poule, il y avait une interrogation sur sa capacité à tenir les 1.600m et la représentante d’Al Shira’aa Farms n’était pas gâtée avec le 11 dans les stalles. Elle s’est retrouvée à faire les extérieurs pendant toute la course, ce qui rehausse sa performance car elle n’a rien lâché jusqu’au bout pour aller chercher la troisième place. Kieran Lalor, racing manager d’Al Shira’aa Farm, nous a dit : « Nous sommes très heureux ! Willie [McCreery, ndlr] a fait un excellent travail pour l’amener au top aujourd’hui. Le numéro de corde ne l’a peut-être pas aidée. Elle a été un peu tendue au départ puis s’est bien posée. Elle montre son meilleur visage et confirme, c’est vraiment de très bon augure pour le reste de la saison, d’autant plus qu’elle a très bien géré le voyage. Nous avions une interrogation sur sa capacité à tenir les 1.600m mais les doutes sont levés. Bravo à tout l’entourage de la gagnante ! Dans l’immédiat, nous allons voir comment elle récupère et en discuter. Elle est engagée dans les 1.000 Guinées d’Irlande et les Coronation Stakes, sa propriétaire aimerait beaucoup courir à Royal Ascot. »
Romantic Style pose une option sur le Prix Jean Prat
Supplémentée par Charlie Appleby, Romantic Style était l’une des pouliches qui retenaient l’attention avant le départ de la Poule. Elle n’est pas n’importe qui puisqu’elle venait de s’offrir Ramatuelle (K) (Justify), pour sa rentrée, dans le Prix Imprudence (Gr3), une épreuve dont la ligne a répété dans les 1.000 Guinées (Gr1). À l’image de Vespertilio, elle n’a pas non plus été gâtée au tirage au sort des numéros à la corde puisqu’elle a hérité du 14… De plus, son mentor, Charlie Appleby, aurait certainement apprécié que la pluie s’abatte plus tôt sur Longchamp… « Je suis ravi ! Il y avait deux points négatifs avant le coup : le numéro de corde et le terrain plus rapide. Elle venait de bien faire en terrain lourd à Deauville dans le Prix Imprudence et, à 2ans, ses meilleures performances ont été réalisées en terrain souple. William [Buick, ndlr] trouve qu’elle s’est moins livrée aujourd’hui avec la piste rapide. Elle a davantage été « en retenue ». Concernant la distance, elle a tenu, elle a juste été moins percutante sur la piste rapide. Nous allons réfléchir pour la suite, en gardant certainement en tête le terrain, mais les 1.400m du Prix Jean Prat (Gr1) sont une possibilité. »
Douze ans après Ridasiyna
Les grandes souches de l’élevage de Son Altesse l’Aga Khan peuvent se réveiller à tout instant. Celle de Rouhiya n’avait plus sorti un gagnant de Gr1 depuis 2012 et Ridasiyna (Motivator), qui avait remporté le Prix de l’Opéra (Gr1). La mère de Rouhiya, Rondonia (Raven’s Pass), a décroché son black type en se classant troisième dans le Grand Prix de Fontainebleau (L) avec à la clé un rating 93. Rondonia en est à son deuxième produit, le premier est la gagnante sur 2.400m Rodainah (Le Havre) qui a été achetée 130.000 € par Horizon Bloodstock à la vente d’élevage Arqana. Rondonia a une 2ans par Camelot (Montjeu), à l’entraînement chez Francis-Henri Graffard, et une yearling par Sea the Moon (Sea the Stars).
La deuxième mère, Raydiya (Marju), avait débuté par une victoire au mois de mai de ses 3ans et, au mois de juillet, elle a décroché sa victoire black type dans les Lenebane Stakes (L, 2.400m). Outre Rondonia, elle a donné une autre black type : Raydara (Marju), à l’honneur dans les Debutante Stakes (Gr2, 1.400m) et aussi deuxième des Desmond Stakes (Gr2, 1.600m) avant de se classer quatrième des Matron Stakes (Gr1)… Raydara est à son tour la mère de Rajapour (Almanzor) qui s’était classé troisième du Prix de Fontainebleau (Gr3) l’an dernier. La troisième mère Raydania (In the Wings) a produit aussi Roseburg (Tamayuz), troisième de la Coronation Cup (Gr1). La princesse Zahra Aga Khan nous a dit : « À titre personnel, voir cette famille renaître, c’est formidable. La souche est « tranquille » depuis quelques générations. Et la voir ressurgir, c’est un sentiment très particulier. C’est la récompense de décennies de travail. Nous avons essayé de ramener de la vitesse au fil des croisements car la souche a la tenue de manière intrinsèque. Je pense que nous avons, après 20 années de travail, réussi à infuser cette accélération qui fait la différence. Les gagnantes classiques sont tellement importantes pour l’élevage, qui plus est sur le mile. C’est tellement important pour toute la famille. Toutes ses sÅ“urs voient leur profil considérablement valorisé. » La quatrième mère, Rayseka (Dancing Brave), s’est classée deuxième de l’Irish St Leger (Gr1). Comme a expliqué la Princesse Zahra, il fallait ajouter de la vitesse…
Le deuxième classique européen de Lope de Vega
Le grand étalon de Ballylinch Stud Lope de Vega (Shamardal) apporte de la vitesse. Rouhiya est son 70e gagnant de Groupe, dont 20 au niveau Gr1. Rouhiya, conçue au tarif de 100.000 €, est son deuxième classique en Europe après Phoenix of Spain, qui a remporté les Irish 2.000 Guineas (Gr1). L’an dernier, 63 yearlings de Lope de Vega ont trouvé preneurs aux ventes pour un prix moyen de 264.123 €. Deux ont atteint le million en euros. Le top price Bodicus, a été acheté 1,1 MGns (1,34 M€) à Tattersalls et est à l’entraînement chez André Fabre pour Sumbe. C’est un frère d’Iberian, lauréat des Champagne Stakes. Un fils de la lauréate de Gr1 Cursory Glance (Distorted Humor) a été adjugé 850.000 Gns (1,03 M€) à l’association Coolmore et Peter Brant.
LES CHRONOS
TEMPS PARTIELS
Du départ à 1.000m : 38’’82
De 1.000m à 600m : 23’’90
De 600m à 400m : 11’’25
De 400m à 200m : 10’’84
De 200m à l’arrivée : 11’’18
Temps total : 1’35’’99
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Giant’s Causeway |
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Shamardal |
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Helsinki |
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Lope de Vega |
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Vettori |
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Lady Vettori |
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Lady Golconda |
ROUHIYA (F3) |
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Elusive Quality |
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Raven’s Pass |
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Ascutney |
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Rondonia |
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Marju |
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Raidiya |
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Raydaniya |