Derrière chaque cheval se cache une histoire. Celle de Dollar Index a commencé aux ventes de Deauville : « C’est un poulain qui a été repéré aux ventes par Sébastien Desmontils, avec qui je suis assez proche. Nous avons pour ainsi dire grandi ensemble dans le monde des courses. Ruben Seror, qui l’assistait, adorait également ce cheval. Dollar Index, au modèle, sortait un peu du lot, et nous sommes tombés d’accord. Sa page de catalogue était intéressante. Nous pensions que les enchères allaient monter plus haut, donc nous étions ravis de pouvoir l’acheter. Dollar Index a ensuite été plutôt facile à l’entraînement, il a toujours montré de belles choses. » Pour 36.000 €, en octobre 2022, les compères emportent le yearling, frère de deux black types et présenté par le haras du Petit Tellier.
La P.S.F. en passant par Bordeaux
Dollar Index découvre la compétition au mois de décembre de ses 2ans sur la P.S.F. deauvillaise, où il est devancé par Celestial (K) (City Light). De bons débuts confirmés dans le Prix de la Barelière (Maiden), un mois plus tard, toujours à Deauville mais sur plus long. Mathieu Brasme choisit alors une Classe 1 programmée à Bordeaux pour la rentrée de son pensionnaire, début avril. Sur une piste plus que pénible, Dollar Index s’impose de nouveau, en digne fils de Kendargent (Kendor). Direction le Prix de Suresnes (L) à Chantilly. C’est à s’y méprendre le chemin emprunté par Ace Impact (K) (Cracksman) l’an passé… si ce n’est que Dollar Index conclut deuxième de la Listed, derrière Fast Tracker (K) (Churchill). Un galop public sur l’hippodrome d’Angers, la semaine dernière, parachève la préparation. Mathieu Brasme analyse : « Il a fallu lui laisser un peu de temps avant de débuter mais, pour le moment, il nous le rend bien. Lorsqu’il a été prêt à débuter, en décembre, nous avions le printemps dans un coin de nos têtes. Nous voulions lui donner une course ou deux avant, pas plus. Et c’est ce que nous avons fait. Les précipitations sur Chantilly vont peut-être davantage contrarier certains de ses rivaux mais, pour Dollar Index, plus il pleut, mieux c’est ! Cependant, il faut être réaliste, nous y allons dans nos « petits souliers même si certains paramètres nous donnent confiance. Le poulain est tout neuf, il ne demande qu’à progresser et n’a encore jamais eu de combats difficiles. Nous nous laissons tenter, et si la tâche s’avère trop dure, il retournera dans des Listeds, catégorie dont il a assurément la pointure. Il n’y a qu’un Prix du Jockey Club dans la carrière d’un cheval. De plus, l’édition 2024 semble assez ouverte. Au cours des préparatoires, nous avons vu tout et son contraire. Dès lors, pourquoi ne pas tenter. Pour l’instant, nous avons établi au poulain un programme assez préservé, dans des courses de peu de partants, et souvent sans train, alors que Dollar Index est un peu généreux. Il s’est toujours montré assez allant, notamment dans le Prix de Suresnes, une épreuve qui a été très peu rythmée. Le poulain s’est fâché sur le mors durant tout le parcours. Nous espérons toutefois qu’il sera en mesure de mieux s’exprimer dans une course plus rythmée… »
Pas une évidence
« Nous avons beaucoup réfléchi avant d’envisager cette participation. Après sa dernière course, je n’étais pas très “chaud”. Je ne sais pas pourquoi, mais je pensais inconsciemment que les poulains qui couraient le Jockey Club sans véritable chance, et qui terminaient péniblement cinquième ou sixième, avaient du mal à recouvrer leur meilleur niveau par la suite. Finalement, nous avons étudié toutes les dernières éditions et nous sommes rendu compte que beaucoup de chevaux réalisaient ensuite de belles carrières derrière… même si ce n’est pas forcément au niveau Gr1. J’ai donc changé d’avis. Cette première participation est un moment excitant, mais nous avons conscience d’arriver en position d’outsider. Nous espérons que le poulain répondra présent ! »
Prédestiné pour l’obstacle
Originaire de Dragey où son père, Olivier Brasme, entraînait des sauteurs, Mathieu a très vite pris goût à la compétition. Gentleman-rider durant plusieurs années, il s’est notamment offert le Prix de France (Steeple-Chase) à Auteuil en 2009, avec Bonnet Jaune (Villez), pour les couleurs de Magalen Bryant. Avant cela, en parallèle de ses études, il a fait ses classes à l’entraînement en effectuant des stages chez Guillaume Macaire et Martin Pipe : « Comme je m’en sortais plutôt bien à l’école, mes parents m’ont vivement encouragé à aller plus loin dans les études. J’ai fait une école d’agriculture, ce qui m’a permis de pouvoir effectuer des stages en relation avec le monde des chevaux. Dès que j’avais des périodes où j’étais libre, j’essayais de me perfectionner sur les obstacles. À la suite de cela, j’ai travaillé dans l’agroalimentaire. Puis, au bout de quatre ou cinq ans, j’ai fait mon coming out ! J’ai dit à mes parents que la passion était plus forte et je suis alors revenu dans le monde des courses. J’ai commencé chez Antoine Lamotte d’Argy, un ami. Nous avons fait un meeting de Pau, et il possédait une antenne à Maisons-Laffitte dont je me suis occupé un temps… »
Le virage du plat s’est opéré lors d’une expérience qui s’est avérée déterminante, lorsque l’homme est devenu l’assistant de Mikel Delzangles : « Une opportunité s’est présentée et Antoine Lamotte d’Argy a établi le lien entre nous. Cela a été ma première véritable expérience avec des chevaux de plat. Elle a d’ailleurs été la seule. C’était très excitant, d’autant que j’ai connu des champions comme Flotilla ou Dunaden, que j’ai suivis dans différents pays à travers le monde. J’ai vraiment passé d’excellents moments. Le haut niveau, c’est quelque chose de grisant et c’est ce qui m’a donné l’envie de persévérer en plat… »
Le coup de cœur pour Luché-Pringé
En 2014, Mikel Delzangles a placé une partie de son effectif au sein des anciennes écuries de Guy Henrot, à Luché-Pringé, afin d’en faire une antenne provinciale. Il a alors placé à sa tête Mathieu Brasme, qui n’en est plus jamais parti : « J’ai connu cet endroit à ce moment de ma vie et j’ai pu me familiariser avec le site. Le moment où je me suis senti prêt à voler de mes propres ailes a coïncidé avec celui où Mikel Delzangles a rapatrié ses chevaux vers Chantilly. L’endroit était alors disponible et j’ai choisi d’y rester car j’aime l’Ouest et la vie à Chantilly ne me tentait pas forcément. Ce lieu est assez formidable et la question ne s’est pas posée quant au fait d’éventuellement s’installer ailleurs… »
Décembre 2017, voilà Mathieu Brasme à la tête de son écurie, mais il va être rejoint sur place par son ami Édouard Monfort, qu’il a connu dans le rang des amateurs : « Édouard est arrivé quelques mois plus tard. C’était une grosse structure pour un jeune entraîneur qui s’installe. J’avais donc besoin de trouver quelqu’un pour démarrer afin de partager l’emplacement. Ce qui est amusant, c’est que nous avons effectué les mêmes études et avons tous deux travaillé dans d’autres domaines avant notre installation. Ce qui me plaît le plus sur ce site, c’est d’abord sa tranquillité. Selon moi, cela n’a pas de prix. Nous sommes au calme, un peu cachés. L’ambiance à Chantilly peut parfois être assez pesante. Même si l’endroit est magnifique, je n’aimais pas forcément l’ambiance que l’on pouvait parfois ressentir. La Sarthe est bien située géographiquement, à la fois pour se rendre à Paris ou Deauville, mais aussi pour courir en province. C’est un peu axial. La qualité de vie dans cette région n’a également rien à voir… »
Et des résultats constants
« Les résultats sont plutôt réguliers depuis mes débuts. Il y a quelques bons chevaux à l’écurie. C’est toujours ce que l’on espère. Je suis satisfait d’avoir créé une entreprise qui fonctionne. Nous sommes partis de rien et il y a actuellement une cinquantaine de chevaux sur le site. Cela me convient. J’aimerais désormais augmenter un peu la qualité globale de l’effectif, en espérant que les résultats des meilleurs en attireront d’autres. Rien n’est jamais acquis, il faut que les résultats suivent si l’on veut conserver les propriétaires. Globalement, la multi-propriété se développe. J’ai beaucoup de clients qui prennent des parts de chevaux que je choisis aux ventes. Je dois avoir entre sept et dix personnes qui prennent 10 % dans plusieurs chevaux chaque année. C’est intéressant, mais ce mode de fonctionnement représente une part de plus en plus importante de la clientèle. J’ai également depuis deux ans le soutien des Allemands d’Avatara, avec qui cela se passe plutôt bien, ou de la famille Cyprès, qui est présente depuis le début. Nous avons d’ailleurs une réussite certaine ensemble, avec notamment Karburan et Shakti, qui devrait courir une Listed prochainement. Mais il n’y a pas eu que des choses positives. Il y a les hauts et les bas de ce métier, il faut essayer de fidéliser… »