Mario Baratti, doublement classique
Quatre saisons et demie d’activité et déjà deux gagnants classiques. Telles sont les statistiques de Mario Baratti depuis qu’il est installé sur notre sol. À 34 ans, l’Italien a trouvé son bonheur à Chantilly après avoir beaucoup voyagé et appris auprès de ses professeurs. Deux d’entre eux étaient présents dimanche à Longchamp pour l’étreindre après son sacre dans l’Emirates Poule d’Essai des Poulains (Gr1).
Franco Raimondi
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Marco Botti, chez qui il a travaillé durant quatre ans, et Pascal Bary, qui l’a formé en France, étaient présents sur l’hippodrome. Le regretté Mil Borromeo, l’homme qui a poussé Mario Baratti, alors jeune gentleman-rider, à devenir entraîneur, était représenté par une cravate “magique”, celle qu’il avait portée le jour de son succès dans le Derby Italiano (Gr1 à l’époque) en selle sur De Sica (Sri Pekan), en 2005. Super Mario avait 15 ans et il montait alors quelques chevaux le week-end, à l’écurie, mais pas encore en course : « Mil m’a convaincu que je pouvais faire de ma passion une profession et j’ai commencé à voyager après avoir décroché mon baccalauréat. Tout d’abord chez Marco Botti en Angleterre. Lorsque je suis arrivé, il y avait 50 chevaux à l’écurie. Lorsque je suis reparti, quatre ans plus tard, l’effectif était monté à 130 ! J’ai alors passé trois mois chez Jim Bolger mais la vie dans la campagne irlandaise était trop dure pour moi et Mil m’a dit qu’il ne fallait pas se flageller pour devenir entraîneur. J’ai donc décidé de m’installer en France et j’ai passé quelques mois chez Simone Brogi. J’ai également passé un meeting à Deauville avec monsieur Rouget. C’était surtout dans l’optique d’apprendre un peu le français et de comprendre la méthode de travail. Je suis ensuite entré au service de Pascal Bary après l’Arc de Triomphe de Golden Horn… »
La Pascal Bary University
Pascal Bary lui a tout appris de l’entraînement à la française. Dimanche, le “Prof” était très ému et il est parti chercher son élève dans le couloir menant à la sortie des chevaux. Un moment inoubliable pour Mario Baratti : « Pascal m’a vraiment formé et il était encore plus heureux que moi… Pour un jeune Italien, cela n’a pas été simple de s’intégrer. Alors que je venais enfin de comprendre comment il fallait travailler et vivre à Newmarket, en Angleterre, j’ai dû me confronter à une autre vie, celle de la France, qui est vraiment un autre pays. La première année n’a pas été facile, il fallait gagner la confiance du patron mais aussi celle de tout le personnel. Mais j’ai trouvé la bonne formule et tout s’est bien passé. »
Le rôle de toute l’équipe
Mario Baratti s’est installé à son compte en 2020, ce qui n’était pas la meilleure année, et la première victoire est arrivée avec Moana (Iffraaj) dans un handicap en février à Chantilly : « Je suis parti avec très peu de chevaux et d’un petit niveau. Qui plus est, il s’agissait une période très spéciale au niveau des courses comme dans la vie au quotidien, avec la Covid. Tout a évolué très vite et maintenant j’ai sous ma responsabilité une trentaine de chevaux à l’entraînement de bien meilleure qualité. La majorité a 2ans. J’ai eu beaucoup de chance puisqu’à chaque saison, j’ai touché un bon cheval, de niveau black type. Travailler avec des chevaux de qualité est très important pour un entraîneur comme pour tout le personnel de l’écurie. Je suis pleinement satisfait de l’équipe qui travaille avec moi. Il s’agit d’un bon dosage entre des jeunes et des personnes plus expérimentées. Je pense que les résultats des chevaux sont le fruit du travail de l’équipe : pas de bon personnel, pas de bons chevaux… Hélas, le recrutement du personnel n’est pas facile. »
Metropolitan, le coup de cœur deauvillais
Et nous en arrivons à Metropolitan (Zarak), le cheval qui, après les 2.000 Guinées allemandes (Gr2) d’Angers (Seabhac), a offert un deuxième classique, bien plus important encore, au jeune entraîneur italien. Le poulain est arrivé à l’écurie sur un double coup de cÅ“ur de l’entraîneur et de son ami, le courtier Alessandro Marconi. La page de catalogue n’était guère séduisante mais le poulain sortait l’argent de la poche… Mario Baratti se souvient bien de ce jour d’octobre à Deauville : « Son pedigree n’était pas le plus beau mais je me souviens de l’exemple d’Excelebration, que je montais quand j’étais chez Marco Botti. Sa mère avait été vendue en Inde mais lui était un cheval de grande classe… Nous étions amoureux du poulain mais n’avions pas de budget… Alessandro a posé une seule enchère à 78.000 € et on l’a acheté. Le plus dur restait à faire : lui trouver un propriétaire. Au débourrage, il était impressionnant. Le premier jour où nous lui avons posé la selle sur le dos, il a fait un bond comme je n’en avais encore jamais vu… Un vrai “truc” d’athlète. Alessandro m’avait proposé de garder le cheval pour nous mais, à ce prix, c’était injouable. Je l’ai donc proposé à Hrand Aladjian, un propriétaire italien d’origine arménienne. Il a donné son accord et la belle histoire a pu commencer… »
L’Italie et les États-Unis
Metropolitan a fait ses débuts à Deauville pour la casaque de Hrand Aladjian. Après la victoire dans le Prix de Montaigu, les offres d’achat ont afflué. Mario Baratti nous raconte : « J’ai laissé Alessandro Marconi faire son travail et il a trouvé Peter Bradley. C’est un super propriétaire et il est très compétent. Dimanche, avant la course, il est venu me dire merci. J’ai toujours tenu en haute estime Metropolitan, et en janvier, j’avais écrit à l’écurie que nous avions dans les boxes un poulain pour Royal Ascot… Il n’est pas fait comme un 2ans et pourtant il est resté invaincu en deux sorties. Ensuite, j’ai un peu levé le pied afin de l’économiser. Je n’ai pas perdu confiance après le Prix de Fontainebleau (Gr3). Dimanche, il a passé un vrai test, en piste et avant la course puisque nous l’avons sellé deux fois. Malgré cela, il était magnifique. »
Royal Ascot plus que Chantilly
Sortir un gagnant classique n’est pas facile mais gérer la suite de sa carrière est encore plus complexe. Mario Baratti revient sur le sujet délicat du prochain objectif : « Je suis persuadé que Metropolitan peut tenir 2.000m. Il est engagé dans le Qatar Prix du Jockey Club (Gr1) mais je pense que le classique cantilien n’est pas sa course. Elle arrive trop tôt, dans trois semaines, et il y a la probabilité que la chance nous tourne le dos… Le Jockey Club devrait également regrouper beaucoup de partants et une mauvaise place à la corde pourrait grandement nous compliquer la tâche. Au contraire, les St James’s Palace Stakes (Gr1) sont à cinq semaines, le lot est plus réduit et le mile d’Ascot, dans une course qui roule toujours très vite, sera parfait pour lui. Il n’a pas été engagé car il me semblait un peu prétentieux de le faire après sa course de rentrée mais on peut fort bien le supplémenter. Plus tard, il pourra être dirigé sur le Jacques Le Marois (Gr1). Pour le tester sur 2.000m, nous avons la fin de la saison puis, si tout se passe bien, la campagne de 4ans… »