mardi 16 juillet 2024
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Alessandro Marconi, l’homme de l’ombre

De Facteur Cheval (K) à Metropolitan

Alessandro Marconi, l’homme de l’ombre

Cet Italien qui vit une partie de l’année à Chantilly a trouvé aux ventes deux des meilleurs chevaux français actuels. Alessandro Marconi lève le voile sur les coulisses de ces deux achats.

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

Chantilly, peut-être plus que n’importe quel autre centre d’entraînement au monde, a parfois des allures de tour de Babel hippique. On y trouve des Anglais, Grecs, Irlandais, Finlandais, Argentins, Suédois, Allemands, Espagnols, Américains, Malgaches, Tchèques et Polonais… Mais la communauté la plus importante est sans aucun doute celle venue d’Italie. La diaspora hippique italienne a ceci de particulier qu’elle est représentée dans l’ensemble des facettes de notre univers : entraîneur bien sûr, mais aussi éleveur, propriétaire, lad, jockey et aussi courtier. Alessandro Marconi est l’un d’eux. Pour un étranger, trouver sa place dans notre filière n’a rien d’évident : « En France, le système est très différent. La référence du propriétaire, c’est l’entraîneur, et c’est d’ailleurs souvent lui qui achète. La fonction de racing manager est moins évidente ici. Il n’y a pas beaucoup de courtiers « à l’anglaise ». Toujours en France, les éleveurs-entraîneurs, qui connaissent par cœur les familles, ont eu beaucoup de réussite. Comme Alec Head par exemple. »

Pas de pied, pas de cheval

Alessandro Marconi vient du monde de l’endurance, une discipline où les contraintes mécaniques sont très fortes. Il faut un athlète solide, avec de bons pieds, capables de galoper 200 km sur tous les terrains. C’est d’ailleurs en travaillant chez la championne Cécile Miletto, près de Nîmes, qu’Alessandro Marconi a appris à parler français. Un peu comme au trot, les professionnels de l’endurance sont des experts de la ferrure et des pieds. D’ailleurs, Alessandro Marconi ferre les chevaux de Mario Baratti. Parmi les souvenirs de ses années passées dans le monde de l’endurance, Alessandro Marconi détaille : « J’allais choisir des chevaux dans les champs sans connaître les pedigrees, y compris en Australie et en Nouvelle-Zélande. Et ce fut très formateur. Car en endurance, il faut des animaux sains et nets, et qui le restent dans le temps. Lorsque j’étais assistant à Dubaï, nous recevions d’anciens Godolphin, des chevaux qu’il fallait essayer de faire durer. C’est important d’apprendre à voir quel cheval peut tenir physiquement et quel autre ne le pourra pas. Avec les yearlings, c’est pareil. Le cheval parfait coûte très cher. Il faut donc voir quels défauts sont acceptables… et lesquels ne le sont pas. Et puis il y a également le facteur revente. Car on sait que certains défauts sont problématiques de ce point de vue… »

L’athlète plutôt que la page

Partie intégrante de la réussite de Mario Baratti, Alessandro Marconi a repéré le futur lauréat de la Poule d’Essai des Poulains (Gr1) lorsqu’il était yearling : « Je me souviens très bien du jour de l’achat de Metropolitan. Il n’avait pas une très bonne page à première vue. Mais la diagonale Zarak, Halling et Storm Cat était observable. Et avec pareille page, quitte à prendre un risque, autant le faire avec le produit d’une jeune jument. J’ai été assistant entraîneur pendant une décennie à Dubaï – chez Ahmed bin Harmash – et l’un des meilleurs chevaux de l’écurie était issu d’Halling, le père de mère de Metropolitan. Forcément, dans son cas, c’était surtout l’athlète, le physique qui primait… plus que la page de catalogue. Je fais très attention à l’élasticité de l’individu. » Le premier gagnant classique de Mario Baratti, Angers (Seabhac), a lui aussi été repéré par Alessandro Marconi. Les deux sont des poulains importants physiquement. Et ce n’est pas un hasard : « Les chevaux avec de la taille et de l’os, s’ils ne sont pas lourds, font preuve de plus de polyvalence. Et c’est un atout s’il faut ensuite les revendre. Ce qui fait les bons chevaux, c’est un moteur proportionné au modèle d’un individu. »

Le challenge d’acheter avec un budget limité

Le fait que Metropolitan soit élevé et présenté par le haras de Clairefontaine a également joué dans la décision de monter jusqu’à 78.000 € : « Les yearlings de ce haras sont homogènes, tous dans le même état et dans la même condition. À mes yeux, c’est important. Je pense également que tout le monde est très impressionné par ce qui se passe avec Zarak sur le plan statistique. » Alessandro Marconi achète une dizaine de yearlings par an. Outre Metropolitan, il faut citer Rodaballo (Lope de Vega), un gagnant de l’Oettingen Rennen (Gr2) déniché pour 21.000 Gns lors du book 2 de Tatts, mais également Lightning Warrior (Charming Thought). Issu d’un père qui officie à 3.000 £, mais d’une jeune mère black type, il n’a coûté que 16.000 Gns en tant que yearling. Invaincu en trois sorties à 2ans en Angleterre chez Marco Botti, il a été vendu à Hongkong ensuite : « Compte tenu des limites du budget avec lequel j’achète, sur un catalogue de 400 yearlings, je fais une liste d’une vingtaine de sujets. Et quand vous en achetez trois, le bon va payer pour les autres… et vous faire vivre ! »

Des foals et des 2ans

L’exception, c’est Facteur Cheval (K) (Ribchester) qui a coûté cher (145.000 Gns) en tant que foal : « Lors d’une vente au Japon, où j’étais invité, j’ai eu la chance de rencontrer Hubert Honoré. Nous sommes devenus amis. À Newmarket, il ne m’a pas donné de budget. Il m’a dit : quel est le meilleur foal que tu aies vu aujourd’hui ? À ce prix, nous étions potentiellement allés beaucoup trop loin. Mais la logique, c’est qu’il est moins difficile d’acheter un bon avec de l’argent que beaucoup de petits lots pas très chers. L’histoire de Facteur Cheval, comme celle de Metropolitan, c’est un scénario de film, presque une comédie. Aux ventes, j’essaye d’inspecter tôt le matin puis le plus tard possible. Pour voir comment chaque cheval change au fil des heures, comment il s’adapte. Et, à chaque fois, je me pose la question suivante : si j’étais en train d’acheter le dernier cheval de ma vie, est-ce celui-là que je choisirais ? Si la réponse est oui, en général, vous êtes loin d’acheter le plus mauvais de votre carrière… à condition d’être honnête avec soi-même. Si aucun cheval « ne me sort l’argent de la poche », je ne vais rien acheter ! » Saboor (Belardo) n’a coûté que 4.500 Gns en tant que 2ans inédite chez Tattersalls. Sous les couleurs d’Alessandro Marconi et l’entraînement de Mario Baratti, elle a gagné en débutant, par trois longueurs, au mois de janvier ses 3ans. Et elle est passée à une tête du black type dans le Prix de la Seine (L) avant d’être revendue 120.000 Gns un an plus tard. À la Craven breeze up, pour 30.000 Gns, Alessandro Marconi a acheté Nomorerichblondes (Hard Spun), gagnante des UAE Oaks (Gr3). Angers, déniché à la breeze up Arqana, n’a coûté que 35.000 €. Il a remporté les 2.000 Guinées allemandes (Gr2).

Chaque entraîneur a son type de cheval

Au-delà de la qualité intrinsèque du cheval lui-même, il est important qu’il évolue dans un environnement qui lui convienne. Les pistes de Chantilly et celles de Newmarket sollicitent différemment les organismes et cela nécessite (par exemple) des pieds différents. De la même manière, une écurie qui entraîne « en montée » ou sur une piste en copeaux, n’aura pas les mêmes pathologies qu’une autre dont la piste en sable est plate. Alessandro Marconi analyse : « Le cheval de course a un potentiel ou il ne l’a pas. Le travail de l’entraîneur, c’est de lui faire atteindre cette qualité intrinsèque. Mais il ne peut pas l’inventer ou la fabriquer. Par ailleurs, chaque entraîneur a son type de cheval. Avec Mario Baratti, c’est une longue histoire. On se connaît depuis longtemps et c’est lui qui m’a appris à comprendre le fonctionnement des courses françaises. Chaque professionnel a son propre système d’entraînement et il faut trouver les chevaux qui vont avoir le profil pour réussir dans ce contexte précis. J’ai souvent acheté pour Marco Botti. Mario Baratti a travaillé avec lui à Newmarket. Et ils aiment le même type de chevaux : des profils classiques, avec de l’os et la capacité à encaisser le travail. Ils n’ont pas peur des tardifs car ils sont patients… En outre, Mario, c’est vraiment « l’école Bary ». Chaque cheval est traité comme un espoir et ensuite on s’adapte à ce qu’il montre en piste. Depuis trois ans, Mario et moi achetons ensemble. Parfois cela marche, parfois cela ne marche pas. Je travaille aussi avec Jérôme Reynier. Ce sont deux entraîneurs à succès, mais leur approche et leur lieu d’entraînement sont très différents. Le cheval de Senonnes n’est pas forcément celui qui réussira à Calas, Chantilly ou Newmarket. Car les pistes sont différentes. »

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