Jour de Galop. – La réussite de la casaque de Nurlan Bizakov en ce début de saison est en tout point exceptionnelle. À quoi l’attribuez-vous ?
Mathieu Le Forestier. – Il est toujours facile de refaire l’histoire après coup, mais je crois que c’est notamment la récompense d’une grande constance dans les choix d’élevage qui ont été faits depuis plusieurs années, ainsi que les relations avec les entraîneurs qui se sont affinées.
Ce qui est assez marquant, c’est que ces différents succès ont été orchestrés par presque autant d’entraîneurs différents, de Jérôme Reynier à Christopher Head, en passant par André Fabre et Jean-Claude Rouget. Est-ce un choix délibéré de dispatcher ainsi vos effectifs ?
Monsieur Bizakov aime avoir un contact direct avec les entraîneurs avec qui il travaille. Il est très impliqué et prend toutes les décisions lui-même. Nous sommes là pour apporter un certain soutien technique en arrière-plan. Dans les facteurs qui expliquent cette réussite, il ne faut pas oublier son implication, le fait qu’il apprécie développer une relation de confiance et de transparence mutuelle avec ses entraîneurs. Au même titre qu’à l’élevage, nous essayons de choisir l’étalon qui conviendra le mieux à la jument, nous faisons également des choix au moment de la répartition des chevaux chez les entraîneurs afin de trouver la meilleure adéquation possible. Enfin, il est certain que nous avons un effectif important avec actuellement une soixantaine de chevaux en France en âge d’être entraînés et les confier à un seul professionnel ne serait pas possible, à moins d’avoir une structure privée.
Au sein de l’effectif, on note aussi un bon équilibre entre des chevaux élevés par Sumbe et des chevaux achetés aux ventes. Cette stratégie de dilution des risques – car on sait que l’élevage peut connaître des creux – peut-elle aussi expliquer ces succès ?
Il y a à la fois sa stratégie de dilution des risques comme vous l’expliquez mais aussi d’enrichissement du stock. Les deux fonctionnent ensemble. Les mâles sont achetés avec un pedigree et un modèle suffisants pour qu’ils puissent devenir étalons si les performances suivent, et les femelles, souvent par des pères confirmés, le sont dans le but de rejoindre, à terme, notre effectif de poulinières.
Kirsten Rausing disait après l’Arc d’Alpinista que la patience et l’opiniâtreté comptaient beaucoup dans sa réussite. Diriez-vous la même chose de Nurlan Bizakov ?
Quand on fait le choix de se lancer dans une grande opération d’élevage comme la sienne, l’échelle de temps n’est pas forcément la même que d’autres parties du secteur économique… Nous sommes sur un temps très long. Par exemple, pour Lazzat, nous en sommes à la deuxième génération d’élevage. Ce sont des choix longs, qu’il faut affiner. On ne peut pas balayer d’un revers de main l’importance des investissements, qui ont été considérables dans le cas de monsieur Bizakov, mais au-delà de tout ça, il faut une opiniâtreté, une vision à long terme, une capacité à persévérer contre vents et marées…
Comment l’analysez-vous, 24 h après le succès de Ramadan ?
Christopher Head a toujours été très positif avec ce cheval, bien qu’il l’ait reçu assez tard dans son année de 2ans, vers Pâques. Il confirme hier une rentrée avec trois partants certes, mais qui était finalement une course assez juste. J’ai apprécié ses fractions régulières, fortes… Il ne s’est jamais repris devant, sans aller comme un fou, ce qui émousse la capacité d’accélération de ses rivaux. Et il a été capable de redonner une petite marque quand Beauvatier est venu le chatouiller. C’est un poulain qui, évidemment, se présente très bien pour la Poule d’Essai mais qui, dans son pedigree, présente toutes les garanties pour être rallongé…
Lazzat a gagné le Djebel en invaincu. Lui est hongre, mais son avenir s’annonce aussi radieux…
Lazzat peut être un peu bouillant durant l’avant-course, mais il est très concentré quand les boîtes s’ouvrent. Là encore, il est allé fort devant et a été capable de repartir : difficile de connaître ses limites et c’est ce qui est passionnant ! Comme il est hongre, l’année de 3ans est un peu frustrante, mais c’est un cheval qui devrait voyager dès l’été pour essayer de gagner l’un des Grs1 ouverts à cette catégorie de chevaux. S’il reste en bonne santé, il aura, à partir de 4ans, un programme mondial passionnant… Ce type de chevaux est aussi important pour l’image et la popularité des courses.
Cashanda a fait forte impression dans le Prix de Chaillot…
Cashanda faisait honnêtement partie de nos gros espoirs l’an dernier. Elle aurait pu débuter à plusieurs reprises. Mais son immaturité l’empêchait à chaque fois de passer le petit cap qui lui aurait permis d’aller aux courses. Nous avons été patients. Quand on les débute en avril de leurs 3ans, on est encore dans une optique de sélection classique. Jusqu’au mois d’avril, c’est de la patience, à partir du mois de mai, c’est un acte de foi !
La suite dans JDG Radio !
L’intégralité de l’interview de Mathieu Le Forestier (mais aussi l’actu obstacle de la semaine passée et celle à venir), c’est dans JDG Radio, en cliquant ici.
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