Aintree (GB), samedi
Grand National de Liverpool (Gr3)
I Am Maximus et Delta Work offrent le jumelé à la France
De notre envoyé spécial Christopher Galmiche
L’élevage français a réalisé un véritable exploit samedi à Aintree ! Les deux French breds I Am Maximus (Authorized) et Delta Work (Network) ont pris les deux premières places de la course d’obstacle la plus richement dotée d’Europe et la plus connue au monde : le Grand National (Gr3). Une performance historique et inédite ! Depuis 2000, seulement quatre chevaux élevés dans l’hexagone ont remporté l’épreuve : Mon Môme en 2009, Neptune Collonges en 2012, Pineau de Ré en 2014 et donc I Am Maximus dix ans plus tard. Il offre à Willie Mullins un deuxième Grand National après Hedgehunter (Montélimar) en 2005, un premier à son jockey, Paul Townend, qui a monté la course parfaite et un troisième à John-Patrick McManus, gagnant en 2010 avec Don’t Push It, en 2021 avec Minella Times avant aujourd’hui I Am Maximus. L’autre bonne nouvelle est qu’aucun cheval n’est tombé, ce sont “seulement” les jockeys qui ont chuté, dont celui du tenant du titre, Corach Rambler (Jeremy), lequel a perdu son partenaire en début de course. Les mesures prisent cette année pour assurer plus de sécurité à la course mettront du temps à être jugées, mais c’est un premier pas encourageant.
Porter le nom d’un empereur romain en impose et met la pression ! Mais I Am Maximus est un cheval doué, lauréat de Gr1 en steeple. Le genre de profil que l’on ne voyait pas beaucoup, par le passé, dans le Grand National. Son jockey lui a fait prendre un bon départ, et il a galopé plutôt à la corde, derrière la ligne de tête. Parfois connu pour des sauts fantasques, il a été un peu plus sérieux cette fois, tout au long des 6.900m, le jour où il le fallait. Dans le “coude” qui mène à la ligne droite, il allait très bien, mais Delta Work s’est glissé à la corde prenant les commandes. I Am Maximus a donc dû changer de ligne pendant que l’élève de la famille Magnien faisait illusion pour la victoire. Mais, une fois bien en ligne, il a passé en revue ses rivaux, reprenant un départ à 150m du but pour se détacher et l’emporter de… sept longueurs et demie ! Il a ainsi signé, à un an d’intervalle, le doublé composé du Grand National anglais et irlandais. Delta Work a longuement évolué dans la seconde moitié du peloton avant de progresser constamment durant le second tour de piste. Comme en 2022, il a terminé deuxième précédant l’ancien vainqueur de la Cheltenham Gold Cup (Gr1), Minella Indo (Sholokhov), lequel est aussi apparu comme un lauréat potentiel en fin de parcours et Galvin (Goldwell). Kitty’s Light (Nathaniel), un cheval populaire, à l’histoire émouvante, s’est classé cinquième dans une arrivée dominée par l’entraînement irlandais. Roi Mage (Poliglote) et James Reveley ont tracé un très beau parcours, progressant facilement durant le second tour. À tel point que l’on a pu croire à une place sur le podium. Mais le cheval a plafonné à la fin, comme l’an dernier, finissant honorable neuvième.
Willie Mullins vire en tête au classement des entraîneurs d’obstacle… anglais !
Le maître entraîneur irlandais a enlevé le Grand National ce qui est toujours un grand moment. Mais au-delà de cela, il vire en tête, à l’heure où sont écrites ces lignes, au classement des entraîneurs d’obstacle… en Angleterre ! Le tout alors qu’il est installé en Irlande… Il reste encore deux semaines de compétition pour décider du titre entre lui, Dan Skelton et Paul Nicholls, mais la lutte promet d’être âpre. Willie Mullins était déjà passé proche du titre mais il avait été battu par Paul Nicholls lors de la dernière journée. Revenant sur la victoire d’I Am Maximus, il a dit : « Paul [Townend, son jockey, ndlr] a été formidable car le cheval ne l’a pas vraiment aidé durant le premier tour. Nous avions vu sa qualité et sa tenue lors de sa victoire dans l’Irish Grand National l’an dernier. C’est énorme ! » Paul Townend a ajouté : « C’est une course incroyable. Mais le cheval l’est ! Pour être honnête c’est même un peu irréel. Tout aurait pourtant pu s’arrêter au premier fence après son mauvais départ. Mais, au fur et à mesure du parcours, le cheval a de mieux en mieux répondu. Les Golds Cups restent des Golds Cups, et les Grs1 sont durs à gagner. Mais le Grand National est à part. Je n’arrive pas à y croire ! »
La genèse d’I Am Maximus
Co-éleveur d’I Am Maximus, avec George William Tiney, Ron Huggins est un industriel des consommables en papier (mouchoirs, etc.) mais il s’est énormément impliqué dans sa passion pour les courses, au point d’avoir son propre haras en Angleterre et d’être élu dans diverses institutions hippiques. Il avait expliqué à Adrien Cugnasse : « J’ai aussi élevé pendant un moment en France, au haras d’Ellon, avec deux poulinières. Lors d’une des premières ventes Osarus, à Clairefontaine, j’ai acheté une ex-Wertheimer pour 7.500 €. Elle s’appelait Polysheba (Poliglote) et s’était classée troisième du Prix Isola Bella (L). Mais à cet instant de sa carrière de poulinière, elle n’avait pas brillé au haras. D’où ce prix modique. Elle avait 9ans. C’était la future mère d’I Am Maximus. À l’élevage, j’avais un associé formidable, George Tiney. Un partenariat absolument parfait qui a duré des années sans le moindre nuage à l’horizon. Lorsque I Am Maximus a vu le jour, George était malade. Ce cheval, qui était destiné à rejoindre Mark Johnston, l’entraîneur de Double Trigger, est donc passé en vente. Ce n’était pas le plus beau des yearlings. Bien que bon marcheur, il semblait tardif et manquait de force. Le poulain a été vendu pour seulement 26.000 €. Heureusement, nous avons vendu son frère pour 45.000 € quelques années plus tard. C’est une famille américaine, celle d’Unbridled (Fappiano), un gagnant du Kentucky Derby (Gr1). Le pedigree laissait néanmoins transparaître des éléments de vitesse, qui compensent théoriquement la tenue d’Authorized. Et comparativement à un certain nombre de sauteurs, I Am Maximus est capable d’accélérer pour finir. L’étude des pedigrees, c’est vraiment une passion. Je fais toujours ma propre sélection, sur cette base, avant d’aller aux ventes. »
Une mère placée de Listed en plat
I Am Maximus est un fils d’Authorized (Montjeu), désormais étalon à Capital Stud en Irlande, et de Polysheba (Poliglote), une jument des Wertheimer & Frère, gagnante sur le mile et troisième du Prix Isola Bella (L). Il a été acheté yearling 26.000 €, chez Arqana par Hubert Barbe, alors qu’il était présenté par le haras d’Ellon… Hubert Barbe est l’un des hommes de confiance de J. P. McManus mais ce n’est pas sous les couleurs du célèbre propriétaire irlandais qu’il a débuté en compétition : J. P. McManus l’a acheté à l’amiable en mars 2023, dans la foulée de la quatrième place du cheval à Cheltenham dans le Brown Advisory Novices’ Chase (Gr1). Il portait alors les couleurs de Claudio Michael Grech.
I Am Maximus est le meilleur produit de sa mère qui a eu aussi quatre autres vainqueurs en plat : deux en France – Plumetot (Le Havre) et Essentielle (North Light), un en Grande-Bretagne – Pointel (Le Havre) – et un au Maroc – Aziza de Grine (Air Chief Marshal). Polysheba a un 5ans, All Authorized (Authorized), qui avait été acheté 110.000 € à Goffs, lors de la Land Rover Sale, par Gary Moore. Il compte une victoire dans un bumper et est toujours maiden en haies.
Polysheba avait été présentée par l’écurie Wertheimer & Frère à la vente d’élevage Arqana en 2009, où Sylvain Vidal l’avait achetée pour 47.000 €. Ronad Huggins l’a acquise en 2014, à la vente mixte d’Osarus, où elle était présentée par La Motteraye Consignment, pour la somme de 7.500 €. I Am Maximus est le neveu d’Assureur (Poliglote), cinq fois placé de Listed sur les haies d’Auteuil. C’est la souche de l’étalon Unbridled (Fappiano), gagnant du Kentucky Derby, du Florida Derby et de la Breeders’ Cup Classic (Grs1).Â
Le “FR” Horaces Pearl ou la grande journée d’Authorized
Le meeting de Grand National s’est conclu avec le Standard Open National Hunt Flat Race (Gr2), un bumper sur 3.400m. C’est le “FR” Horaces Pearl (Authorized) qui s’est imposé, restant invaincu dans ce type de compétition. Entraîné par Fergal O’Brien, Horaces Pearl a été élevé par Sandra Karnikian Ince, Julian Ince et le haras du Logis. Il a été acheté yearling à l’amiable par “JD” Moore lors de la vente mixte Osarus puis racheté 25.000 € à la vente d’automne Arqana 2020, à 2ans, où il était présenté par le haras des Loges. La mère, Yellow Queen (Slickly), n’a pas couru et a donné Yellow Samba (Rio de la Plata), gagnante d’un handicap sur les 2.100m de Chantilly, et Yellow Storm (Tiberius Caesar), qui a gagné une Classe 2 à Senonnes et est ensuite entrée dans l’histoire hippique puisqu’elle a été alignée dans le Prix de Diane (Gr1) avec en selle, et pour la première fois dans l’histoire de la course, une femme jockey, Maryline Eon.