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jeudi 26 décembre 2024

AccueilA la uneGérard Samama : « 2024 va être une très bonne année »

Gérard Samama : « 2024 va être une très bonne année »

Gérard Samama : « 2024 va être une très bonne année »

Il fait courir depuis soixante années sans interruption. Rares sont les propriétaires et éleveurs qui ont ainsi traversé les décennies avec un tel enthousiasme et une telle réussite. Au point que jeudi soir, au moment de clore notre entretien, Gérard Samama nous a confié : « Je pense que 2024 va être une très bonne année. Croisons les doigts. Rendez-vous dimanche à Auteuil. » À 92 ans, il suit avec passion les plus jeunes de ses élèves : « Nous fondons de grands espoirs dans le propre frère de Saint Louis Blues. C’est un 3ans. Joël Boisnard en parle comme un phénomène. On va voir… il faut rêver ! »

L’année commence en effet particulièrement bien pour les élèves et représentants de Gérard Samama avec deux victoires pour trois partants, dont Saint Louis Blues (Saint des Saints), lauréat du Prix Beugnot (L) dimanche dernier. Dans 48 heures, toujours sur l’hippodrome de la butte Mortemart, Ras Kassar (Rajsaman) sera au départ du Prix Souviens-Toi : « Ces victoires en obstacle m’apportent d’autant plus de bonheur que j’ai élevé tous ces chevaux. Les mères couraient déjà pour moi. Au total, j’ai treize chevaux à l’entraînement, au pré-entraînement ou en convalescence. Et cinq poulinières en pension au haras de Clairefontaine. Sans compter les yearlings et les foals. Ces chevaux sont chez Marie-Laure Collet, une personne de confiance. Ils sont heureux là-bas et réussissent bien en course. » Gérard Samama a mille anecdotes et notamment le fait d’avoir été président de France Galop deux fois. Mais pour dix minutes ! En tant que doyen du comité, il était automatiquement intérimaire pendant la vacance du pouvoir entre l’élection et la présentation du nouveau président…

Gérard Samama a gagné plus de cinq cents courses depuis 1963. C’est peut-être le doyen des propriétaires français… mais aussi le plus enthousiaste !

Saint Louis Blues (Saint des Saints) et Ras Kassar (Rajsaman) sont entraînés par Joël Boisnard… comme l’ensemble de l’effectif de Gérard Samama ! L’éleveur et propriétaire explique : « Je vais vous dire mon sentiment au sujet de cet entraîneur. Je suis tout à fait étonné que Joël Boisnard n’ait que soixante-dix chevaux dans son effectif. Il a une réussite statistique nettement supérieure à bien de ses concurrents. Sa régularité est remarquable. C’est un entraîneur honnête, sérieux et très travailleur. Il mérite qu’on lui fasse plus confiance. Peut-être n’est-il pas assez mondain. C’est mon avis. » En six décennies d’activités, Gérard Samama a eu le temps de se faire une certaine idée de la fonction d’entraîneur : « Au final, sur le long terme, je n’ai véritablement eu que deux entraîneurs. Deux professionnels avec lesquels j’ai travaillé pendant très longtemps, Jean-Pierre Pelat durant vingt-six années et jusqu’à la fin de son activité. Puis Joël Boisnard à la suite. En tant que jockey, il m’avait offert la victoire dans une Listed le jour de mes 60 ans et je lui ai dit que je le soutiendrais lors de son installation en tant qu’entraîneur. À Saint-Cloud, Joël Boisnard était en selle du Sawasdee (Nikos) dans le Prix Saraca (L). La fête, au Bristol, fut à la hauteur de l’événement ! Une journée mémorable où j’avais aussi remporté le Quinté, grâce à Tarta Whisky (King Of Macedon), sous la selle du regretté Christophe le Scrill qui fut tristement assassiné deux ans plus tard par son épouse.  »

Jamais le jeune homme qui allait jouer aux courses à Ksar Saïd n’aurait pu s’imaginer avoir une écurie de course

Au départ, il y avait Ksar Saïd

Comme pour beaucoup de natifs de Tunis qui aiment les courses, tout a commencé à Ksar Saïd pour Gérard Samama. Enfant, il s’y rendait avec son père, grâce aux entrées offertes par le propriétaire Ludovic Cattan. C’est ainsi que le jeune homme a appris à faire le papier. Mais à Ksar Saïd, les surprises étaient limitées d’où des rapports très faibles, au point qu’on disait alors « Même quand on touche… on perd ! ». La microsociété hippique tunisienne, souvent venue de La Goulette, se donnait rendez-vous aux courses au célèbre « Café Vert ». Lors de l’indépendance, beaucoup ont émigré en France en espérant des jours meilleurs. Et un certain nombre s’est fait un nom dans les courses, comme les Krief, Lellouche, Ouaki, Nataf, Fellous… liste non exhaustive ! Comment expliquer cette affinité hippique chez les Tunisois ? Gérard Samama analyse : « C’est l’amour du cheval et de la compétition. Le défi aussi. Peut-être aussi le besoin de se mettre en valeur. En Tunisie, il y avait peu de distractions. L’hippodrome, c’était la grande sortie hebdomadaire… Nous allions tous aux courses !  » Cette passion hippique n’a jamais quitté Gérard Samama qui confie : « Jamais le jeune homme qui allait jouer aux courses à Ksar Saïd n’aurait pu s’imaginer avoir une écurie de course en France. Ce n’était même pas du domaine de l’imagination. Et ce d’autant plus que je ne venais pas d’une famille de milliardaires. Mais la passion était là. Au point que je me suis fait renvoyer du lycée Carnot de Tunis à l’âge de 16 ans, car un professeur m’avait surpris en train de jouer dans un bar. Ne sachant que faire, j’ai donc décidé de partir sous les drapeaux en Indochine. Roger Nataf, qui était plus ou moins de ma famille, m’envoyait chaque semaine le journal qu’il éditait en Tunisie : La Vie Hippique. Autant vous dire que les autres soldats étaient effarés !

Je me suis fait renvoyer du lycée Carnot de Tunis à l’âge de 16 ans, car un professeur m’avait surpris en train de jouer dans un bar.

Bleu blanc rouge

 « Je suis parti de Tunis en 1950, à l’âge 18 ans. Après ces trois ans d’armée en Indochine, et une croix de guerre, la Tunisie prenait son indépendance. Je parlais un peu l’arabe dialectal. Et pas du tout l’arabe littéraire. Je n’avais donc plus d’avenir là-bas et j’ai embarqué pour la France. Ce pays m’a beaucoup donné, je suis très patriote. Ma casaque est d’ailleurs « bleu blanc rouge ». Ce pays m’a tout donné. Mais en 1954, je suis arrivé à Paris complètement fauché. Les débuts parisiens furent pour le moins frugaux, j’étais pompiste rue des Pyrénées… Grâce aux anciens d’Indochine, j’ai trouvé une place chez Olivetti. J’y suis resté onze ans comme commercial, mais j’ai plafonné. Tous les postes les plus élevés étaient occupés par des Italiens. En 1965, j’ai donc décidé de créer ma propre entreprise. Un beau-frère importait avec succès des articles d’Asie. En Tunisie, pays cosmopolite, nous étions beaucoup à parler plusieurs langues, comme l’italien et l’anglais. Un atout précieux. Même si je ne connaissais personne là- bas, je suis allé au Japon à l’aveuglette, où j’ai rencontré mon premier fournisseur à l’aéroport alors que je cherchais mon chemin… Lorsque le Japon est devenu trop cher, je suis allé à Taïwan. Puis en Corée et à Hongkong. Ma situation s’est améliorée, j’ai bien gagné ma vie. Et j’ai pu avoir mes premiers galopeurs. Des réclamers au départ. Et progressivement l’élevage est arrivé… »

Des réclamers à l’élevage… une question de paris

Parmi les achats à réclamer, il faut citer Campiglia (Fabulous Dancer), troisième mère de Saint Louis Blues, dénichée sur l’hippodrome du Tremblay… C’est la deuxième mère de Camping Ground (Goldneyev) que Gérard Samama a vendu en Angleterre. Il a gagné deux Grs2, dont un à Cheltenham. Aux ventes en Angleterre, notre éleveur s’est offert une pouliche en provenance des haras de la reine d’Angleterre… mais avec un pied bot. D’où le prix dérisoire de cette Vincenza (Grundy). C’est la mère de Cenkos (Nikos) qui a couru cinq fois à 2ans en plat… avant de faire carrière en obstacle. Entraîné par Paul Nicholls, il a gagné deux Grs1 outre-Manche : « En matière d’élevage, j’aime faire des paris. L’année dernière, j’ai envoyé trois juments à Moises Has (Martaline). Et j’ai récidivé cette année ! » En termes de paris, Gérard Samama a envoyé Lovely City (Elusive City) à Churchill (Galileo)… D’où un inbreeding (en 2×3) sur Galileo (Sadler’s Wells).

« Dès 1970, j’ai commencé à élever avec des juments que je gardais en fin de carrière. Sans trop de succès. Tout a changé avec l’achat d’Honorariat (Roi Lear) en 1979 dans à réclamer à Évry. Jean- Paul Gallorini m’a demandé de la reprendre… mais j’ai refusé. Et une semaine plus tard, Jean-Pierre Pelat m’a annoncé qu’elle était cassée. Elle est donc partie au haras… et tout a changé. » Honorariat est la mère ou la grand-mère de sept black types en plat, et notamment de Sawasdee (Nikos) dont nous reparlerons plus loin. Sawasdee est aussi l’aïeule de nombreux sauteurs de talent, comme Goliath du Berlais (Saint des Saints), King’s Daughter (King’s Theatre), David du Berlais (Saint des Saints), James du Berlais (Muhtathir), Queen du Berlais (Muhtathir), Bint Bladi (Garde Royale), Lyreen Legend (Saint des Saints)… 

Comme Nikos et King’s Theatre, du plat à l’obstacle

Nikos (Nonoalco) et King’s Theatre (Sadler’s Wells) sont deux étalons qui ont commencé leur carrière de reproducteurs sur le marché du plat, avant de basculer sur l’obstacle grâce à l’aptitude que leur production a montrée pour cette discipline. L’élevage de Gérard Samama, qui a fait appel à ces étalons, a lui aussi suivi cette trajectoire, passant du plat à l’obstacle avec les années : « J’ai été l’un des rares Français à utiliser King’s Theatre assez tôt dans sa carrière d’étalon, alors qu’il faisait la monte en Irlande. Il a donné des chevaux d’obstacle avec du talent. Et j’ai continué dans cette direction. En plat, il est devenu trop difficile de lutter, face à des écuries avec des effectifs pléthoriques. J’ai donc privilégié l’obstacle et ce d’autant plus que mes poulinières se prêtaient à l’exercice. Trois des cinq sont elles-mêmes black types. C’est une bonne base. »

En plat, il est devenu trop difficile de lutter, face à des écuries avec des effectifs pléthoriques. J’ai donc privilégié l’obstacle

Le plat aussi

« En Irlande, avec Roger Nataf, nous voyons passer une fille de Sallust sur le ring. Je l’ai eue pour 850 livres irlandaises. C’était Sanedtki ! Une crack. Nous avons gagné la préparatoire des Guinées à Ascot avec elle. Je l’avais achetée avec deux amis qui s’appelaient Nedjar et Tkiar, et cela explique le nom de la jument : « Sa » pour Samama, « Ned » pour Nedjar et « Tki » pour Tkiar. C’est Roger Nataf qui nous avait conseillé de faire confiance à Olivier Douieb, récemment installé. Un entraîneur de grand talent mais très tôt frappé par maladie. » Sanedtki a gagné le Prix d’Astarte, deux fois le Prix de la Forêt, mais aussi le Prix Edmond Blanc, Prix de Ris-Orangis et Prix du Moulin de Longchamp. Elle était aussi montée sur le podium du Prix Jacques Le Marois, de la July Cup et des 1.000 Guinées (Grs1) ! Les associés de Gérard Samama n’ayant pas la fibre hippique, la pouliche fut revendue.

Double gagnant du Prix de Saint Georges (Gr3) sous l’entraînement de Philippe Sogorb, Catcall (One Cool Cat) est un cheval cher au cœur de Gérard Samama : « C’était un grand yearling. Très grand même. Fernand Krief était malheureux comme tout car le yearling n’attirait pas une seule enchère. Il a été retiré à 3.000 €. Monsieur Krief était un ami et je l’ai payé 5.000 €. Il a pris presque 700.000 € de gains… et l’éleveur a eu pas mal de primes ! Une belle histoire… »

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