Quand les “FR” rendent hommage à David Powell
Il y a deux ans, David Powell disparaissait. Dimanche, à Pau comme en Irlande, tous ses amis ont eu une pensée émue pour lui grâce à El Fabiolo et In Love.
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
El Fabiolo (Spanish Moon) a remporté son quatrième Gr1 dimanche dans le Ladbrokes Dublin Chase (Gr1). Ce “FR” fut l’un des derniers chevaux que David Powell avait recommandé à ses clients avant sa disparition. Anthony Bromley, un des membres du triumvirat Highflyer Bloodstock, s’en est ému publiquement. Et il a déclaré sur les réseaux sociaux : « David nous manque tellement. Mais le fruit de son travail continue à briller. Et des jours comme celui-ci nous rappellent à tous à quel point il avait du talent. » David Powell avait un incroyable portefeuille de clients, grâce à la relation de confiance qu’il avait su bâtir avec ces propriétaires étrangers désireux de faire courir en France. El Fabiolo court pour le tandem Simon Munir et Isaac Souede. Et In Love (K) (Great Pretender) pour une association comprenant la casaque Bryant, soit l’autre grande réussite de la vie de manager de David Powell. La deuxième mère n’aurait pas établi un record sur un ring de vente compte tenu de son pedigree. Mais Jacques Ortet connaissait bien l’élevage Pelsy et cette Licara d’Airy (Oblat) était bonne. Si bien qu’elle a gagné trois Listeds pour Magalen Bryant. Sur la base de cette bonne jument de course, on retrouve sept black types deux générations plus tard. Dont In Love, un cheval “imaginé” à Coupesarte, qui s’est imposé dans le Grand Prix de Pau (Gr3). Bravo monsieur Powell.
Les “FR” font bugger les statistiques
Ce qu’il s’est passé pendant deux jours à Leopardstown est une erreur statistique : 10 des 11 Groupes du Dublin Racing Festival ont été remportés par des “FR”. Une telle domination est presque une insulte à la logique mathématique. Comme l’a très bien décrit Bryan Mayoh dans notre supplément obstacle, 50 % des meilleurs sauteurs en Angleterre et en Irlande sont des “FR”. Or la production française représente l’équivalent de 60 % du cumul de l’Irlande et de l’Angleterre. Et si tous les French breds couraient en Grande-Bretagne et en Irlande, on pourrait s’attendre à ce qu’environ 37,5 % des meilleurs soient français de naissance. Les 50 % observés sur la période 2019-2023 représentent donc un taux de réussite tout à fait considérable. Mais alors que dire quand, sur deux jours, 90 % des Groupes reviennent à des “FR” ? Et quand ce lundi, le “FR” Caldwell Potter (Martaline) établit un nouveau record pour un sauteur en vente publique à 740.000 € ? Pas grand-chose car c’est tout simplement stupéfiant. Espérons que Cheltenham sera aussi fructueux pour la France de l’élevage.
Faire beaucoup à partir de peu
Cette situation n’est pas franchement amusante pour nos voisins anglais et irlandais car l’élevage et le commerce des sauteurs ont une réelle importance économique. Or les propriétaires ont des envies de “FR” quand ils lisent les résultats des courses le lundi matin. Et tout ce qui est acheté en France ne l’est pas à domicile. Chacun a son idée pour expliquer cette situation assez incroyable où la production du petit pays (la France) domine celle de ses deux grands voisins. À titre personnel, deux choses m’apparaissent comme absolument incroyables. D’une part, ce sont réellement les Irlandais qui ont le plus gros volume de chevaux. Or, on le sait, le nombre compte énormément en matière d’élevage et de sport hippique. Par ailleurs, notre élevage est également moins bien financé que le leur. Beaucoup de nos bons “FR” sont en fait des chevaux produits à faibles coûts. El Fabiolo en est une bonne illustration. François-Marie Cottin a élevé la deuxième mère, Mante Jolie (Beyssac) et personne ne se serait arrêté sur sa page de catalogue. Son point fort, c’était d’avoir gagné huit courses et d’être par le sauteur Beyssac (Paris Jour). François-Marie Cottin est aussi l’éleveur de Caldwell Potter, un produit de son exceptionnelle poulinière Matnie (Laveron), mère de cinq chevaux de Groupe. Son premier bon cheval était un fils de Kentucky Dynamite (Kingmambo). Pas facile pour commencer sa carrière de poulinière… Plusieurs journalistes britanniques rêvent d’interviewer monsieur Cottin. Ils m’ont demandé son contact. Mais pour l’instant, il n’a pas décroché !
Le grand jour de Francis Dunn
L’éleveur d’El Fabiolo, Francis Dunn, envisage cette réussite avec humilité. Issu d’une illustre famille de jockeys britanniques, il fut stud groom de Noel Pelat à la grande époque de Mansonnien (Tip Moss)… avant de créer son propre haras sur une vingtaine d’hectares en Normandie. Désormais retraité, il n’a conservé que la mère d’El Fabiolo, en association avec le haras des Loges. Lundi, il nous a confié : « Statistiquement, il est tout de même assez incroyable de sortir un tel cheval pour un petit élevage. Sa mère a fait carrière chez madame Mortier et sa propriétaire voulait s’en séparer. J’ai été attiré par le fait qu’elle soit gagnante en obstacle à Fontainebleau. Et aussi par son père, Saint des Saints (Cadoudal). La présence de Beyssac dans le papier était également un plus. Cela étant dit, il faut tout de même un sacré coup de chance pour tomber sur une telle poulinière. L’idée de départ, c’était de soutenir notre étalon maison, Silver Cross (Kahyasi). Et la jument a donné deux chevaux de Groupe avec lui. Leur frère, El Fabiolo, était un bon poulain. Chez Patricia Butel et Jean-Luc Beaunez, il a couru une fois en plat pour voir les couleurs. Il s’est ensuite classé troisième du Finot (L) et nous l’avons vendu. C’était très bien, mais pas de là à prévoir sa réussite à venir… »