ITM Irish Stallion Trail 2024
Mac Swiney, il était une fois la révolution
Vous avez certainement déjà vu le film “Il était une fois la révolution” de Sergio Leone où un insurgé irlandais membre de l’Irish Republican Brotherhood – John Mallory – fait la rencontre d’une bande de pillards mexicains. L’action se déroule en 1913, soit l’année où Terence MacSwiney s’est fait remarquer par l’Irish Republican Brotherhood pour ses publications révolutionnaires. Sergio Leone s’est-il inspiré de MacSwiney pour créer son personnage de fiction John Mallory ? Difficile à dire. En tout cas, Terence MacSwiney est devenu un héros de la guerre d’indépendance irlandaise et il est mort des suites d’une grève de la faim dans les geôles de l’empire britannique. Jim Bolger, qui est très fier d’être irlandais, n’a jamais caché qu’il s’est inspiré du révolutionnaire pour nommer “son” Mac Swiney (New Approach). Ce gagnant des Futurity Trophy Stakes (Gr1) à 2ans et des 2.000 Guinées d’Irlande (Gr1) l’année suivante portait donc une lourde charge symbolique sur ses épaules. L’éleveur, propriétaire et entraîneur a d’ailleurs déclaré dans la presse locale : « Ce poulain porte le nom de celui qui est considéré comme un héros pour la plupart des Irlandais qui s’intéressent à l’histoire. Surtout pour ceux qui apprécient la valeur de son sacrifice. Terence MacSwiney a fait connaitre sa cause au monde entier. Mais il en a payé le prix fort. J’ai attendu des années pour avoir un cheval assez bon pour mériter un tel nom. L’anniversaire de la mort de MacSwiney s’est trouvé être le lendemain de la victoire dans le Gr1 de Doncaster. »
Il est tout à fait symbolique que Mac Swiney fasse son entrée au haras en 2024 à l’Irish National Stud. Soit un haras fondé sous l’empire britannique avant de passer sous le contrôle de la République d’Irlande dans les années 1940.
Il faut le voir en chair et en os
Les photos qui circulent ne font pas honneur à Mac Swiney qui est bien plus beau en chair et en os que sur papier glacé. La différence est même assez surprenante. Cathal Beale, président directeur général de l’Irish National Stud, nous a confié à ce sujet : « Le cheval est arrivé un peu tard au haras. Mais tout le monde est assez impressionné par son physique. C’est un sujet avec de la taille, de l’envergure et une locomotion assez incroyable. Il engage de manière spectaculaire. S’il produit à son image, ses foals devraient bien se vendre. Notre meilleur argument commercial, c’est vraiment de le montrer aux éleveurs. Et puis il faut dire qu’il a un nom qui résonne assez fort dans le contexte irlandais ! Bien sûr, ce n’est pas cela qui nous a poussés à l’accueillir ici. C’est tout de même un lauréat de Gr1 à 2ans qui a confirmé au niveau classique l’année suivante. Il est bien plus précoce que son modèle ne le laisse entrevoir et a battu huit gagnants de Gr1 durant sa carrière. Pour beaucoup, son père, New Approach, n’est pas entré au panthéon du sport. Mais si vous prenez le temps de regarder les chiffres, c’est tout de même le géniteur de neuf gagnants de Gr1. Sur l’ensemble de sa carrière, la moyenne de ses yearlings a été de 140.000 €. C’est un étalon qui a permis à beaucoup d’éleveurs de sortir des bons et de bien vendre. Son fils Mac Swiney débute à 8.000 €. Et c’est le seul débutant en Irlande en-dessous de 17.000 € à avoir remporté un Gr1 à 2ans. Le rapport qualité-prix est exceptionnel. »
L’autre révolution
À diverses occasions, Cathal Beale a fait preuve d’une certaine pugnacité dans les médias hippiques ces derniers temps. Dans les colonnes de The Irish Field, il a par exemple récemment déclaré : « Au regard de ce qui s’est passé lors des ventes de yearlings, il était évident qu’il fallait reconsidérer les prix de saillie pour donner aux éleveurs une chance de s’en sortir. Nous avons réduit ou gelé les nôtres. Dès lors, si vous mettez en face les prix de vente des foals de nos étalons, cela rend notre offre très compétitive. Nous voulons que les éleveurs puissent gagner leur vie. » Un étalonnier qui dit que les saillies sont trop chères, c’est assez révolutionnaire. Nous avons demandé à Cathal Beale de réagir à cette prise de position publique. Et il nous a confié : « Nous sommes dans une position assez unique, celle d’un haras national. En l’absence de financement public, nous avons le devoir de nous autofinancer. Mais dans le même temps, nous sommes une organisation à but non lucratif qui doit se préoccuper de la santé de la filière. Et si je quitte un instant mon costume de directeur de l’Irish National Stud pour revêtir celui de l’élu au Syndicat des éleveurs irlandais, je vous dirais qu’il est absolument vital de préserver la base des éleveurs et des propriétaires. Ce sont eux qui font vivre le sport hippique dans la société irlandaise. Si l’année 2022 a été très forte aux ventes, l’exercice 2023 était à l’image de ce qui se passe dans le reste de l’économie. Le marché a reculé de 10 %. Le taux de vendus a chuté chez les foals. Dans ce contexte, nous voulons donner aux éleveurs la possibilité d’utiliser de bons étalons à un tarif réaliste afin qu’ils puissent durer dans le temps. Un haras ne peut pas fermer les yeux sur cela. Perdre des éleveurs est un drame pour la filière. Surtout qu’il y a un effet multiplicateur car chaque acteur fait connaître les courses autour de lui, dans son cercle familial, amical et professionnel. Et au final, ce sont les électeurs, en se rendant aux urnes, qui dictent les choix d’une nation. Or les courses, dans tous les pays, sont dépendantes du contexte réglementaire que l’État leur offre. Voilà aussi pourquoi l’Irish National Stud fait tout pour attirer des touristes, en plus de son activité d’étalonnage : chaque occasion est bonne pour provoquer la rencontre entre un cheval de course et le grand public. Je n’ai jamais vu un visiteur quitter notre site avec une mauvaise opinion après avoir vu un foal et une poulinière. »