DE MEYDAN AU JAPON
La revanche de California Chrome
Entre vendredi et samedi, dans le court laps de temps de 14 heures, California Chrome (Lucky Pulpit) a pris une double revanche sur le marché américain qui l’avait quasiment rejeté malgré sept succès de Gr1 et deux couronnes de Horse of the Year, et ce sans même attendre ses premiers 2ans. Vendredi, à Meydan, le représentant kazakh Kabirkhan a remporté dans le plus commun des canters – par quatre longueurs – les Dubai Islands alors que, samedi, à Kyoto, la pouliche Wide Latour a offert à son père un premier succès black type japonais dans les Kobai Stakes (L). Certes, un handicap remporté avec un rating de 97 et une Listed ne sont pas des titres exceptionnels mais il faut savoir qu’après son succès obtenu à Meydan, le rating de Kabirkhan a été boosté à 109. Il lui reste encore un palier à franchir pour rêver de la Dubai World Cup (Gr1) mais son entraîneur, Doug Watson, a annoncé que le poulain sera au départ de l’Al Maktoum Challenge (Gr1), le 26 janvier, afin d’étoffer son palmarès et tenter de gagner sa place dans la course que son père avait remportée en 2016. Quant aux Kobai Stakes, s’ils ne sont qu’une Listed sur 1.400m pour pouliches de 3ans en début de carrière, on retiendra que la petite Wide Latour a terminé en boulet de canon et Songline (Kizuna), lauréate de la même course en 2021, avait ensuite été élue meilleure femelle d’âge et top miler au Japon en 2023.
Le Kentucky Derby et zéro pedigree
California Chrome a été un cheval très populaire aux États-Unis. Il est le produit d’un élevage californien, ce qui n’est pas de la haute couture dans ce pays, fils d’un étalon à 2.500 $, Lucky Pulpit (Pulpit), et d’une poulinière, Love the Chase (Not for Love), réclamée pour 8.000 $ après une victoire à San Francisco. Les deux éleveurs, Perry Martin et Steven Coburn, l’ont gardé avant de le confier au vétéran Art Sherman, qui avait une quinzaine de chevaux à l’écurie. California Chrome a décroché son black type à la fin de l’été de ses 2ans, lors de sa quatrième sortie dans une course pour les juniors nés et élevés en Californie. Son meilleur résultat avant de s’adjuger les San Felipe Stakes (Gr2) puis, dans la foulée, le Santa Anita Derby (Gr1). Grand favori, Califonia Chrome a dominé le Kentucky Derby (Gr1) et les Preakness Stakes (Gr1) et pas moins de 102.200 spectateurs se sont serrés dans les tribunes pour le soutenir dans les Belmont Stakes (Gr1) où il a terminé quatrième après un mauvais départ et un évident manque de tenue. Après sa troisième place dans la Breeders’ Cup, il a conclu sa campagne de 3ans en remportant l’Hollywood Derby (Gr1) sur le gazon avec à la clé le premier titre d’Horse of the Year.
La Dubai World Cup et un tarif de 40.000 $
La Dubai World Cup était le premier grand objectif de sa campagne de 4ans mais le poulain n’a pu que terminer troisième. Son rêve de gagner à Royal Ascot s’est ensuite évanoui la veille des Prince of Wales’ Stakes (Gr1) suite à une blessure. Quelques semaines plus tard, Steve Coburn a vendu sa part à Taylor Made et California Chrome est parti en vacances, étant préservé pour une campagne à 5ans. Il a gagné la Dubai World Cup malgré une selle qui avait reculé puis deux Grs1 en Californie avant de s’aligner en grandissime favori dans la Breeders’ Cup Classic (Gr1) où il a rendu les armes face à Arrogate (Unbridled’s Song). Après une victoire dans une course à conditions à Los Alamitos, California Chrome a terminé sa carrière sur une contre-performance dans la Pegasus World Cup (Gr1) et il est parti au haras au tarif de 40.000 $ (36.500 €) pour le compte d’un syndicat. En trois saisons, de 2017 à 2019, il a sailli 421 juments avec 304 produits enregistrés au Kentucky. Lors des deux années suivantes, il a effectué la navette au Chili au haras Sumaya.
Les Américains l’ont trop vite condamné
Les éleveurs américains ont mis de côté son pedigree mais, aux ventes, les acheteurs se sont montrés bien plus frileux. L’étalon a eu 77 yearlings aux ventes en 2019 dont 45 ont trouvé preneurs au prix moyen de 85.756 $ (78.300 €). Quatre des sept yearlings les plus chers ont été achetés par des Japonais. Son destin était tout tracé… En novembre 2019, les porteurs de parts de California Chrome ont trouvé un accord avec JS Company afin de vendre l’étalon au Japon. Ce dernier a été syndiqué et envoyé à Arrow Stud qui l’a proposé à 4 millions de yens (32.300 € à l’époque). Les deux générations suivantes ont encore connu moins de réussite sur les rings américains. Ses produits nés en 2019 ont en effet affiché un prix moyen de 16.969 $ (15.500 €) pour 36 vendus sur 50. Quant à la génération 2020, celle de Kabirkhan (payé 12.000 $), elle a enregistré un prix moyen de 14.805 $ (13.500 €) pour 40 vendus sur 48 présentés.
Le bon accueil du Japon
Fin 2023, California Chrome comptait 144 gagnants sur 209 partants issus de ses trois générations américaines, dont trois lauréats de Gr2 et sept produits black types, alors qu’en deux années, au Chili, il avait donné le gagnant classique de Gr1 Chromium et trois de Gr2. Ses premiers produits au Japon, les 3ans, sont au nombre de 98 dont 15 ont gagné à 2ans. California Chrome a sailli 154 juments en 2021 et 148 en 2022. Le prix moyen de ses premiers yearlings japonais aux ventes 2022 s’est fixé à 20,45 millions de yens (128.275 €) pour 16 vendus sur 20 à la Hokkaido Selection Sale, sorte de book 2. Les acheteurs ont pris une année sabbatique en 2023, dans l’attente de ses partants, tout comme les éleveurs qui lui ont envoyé seulement 73 juments. Arrow Stud n’a pas modifié le tarif et, cette année à 4 millions, l’étalon aura encore plus de cent poulinières à honorer. Au Japon, le pedigree d’un étalon est important mais la carrière de course reste la base…