François Rohaut à cœur ouvert
François Rohaut est le seul entraîneur de l’histoire à avoir remporté le Grand Steeple-Chase de Paris, deux Poules d’Essai des Pouliches (Grs1) et la Qatar Arabian World Cup (Gr1 PA). Un palmarès dont la polyvalence est quasiment impossible à reproduire. L’homme a un parcours exceptionnel et il entraîne aujourd’hui le meilleur pur-sang arabe au monde. Al Ghadeer (Al Mourtajez) est attendu comme une véritable star au Qatar où, dans quelques semaines, il sera au départ de la H.H. The Amir Sword (Gr1 PA). Le Palois est un personnage haut en couleur, comme son Sud-Ouest d’adoption. Alors que sa région traverse une passe difficile, il délivre un message volontariste.
Jour de Galop. – Les effectifs de pur-sang anglais ont beaucoup baissé dans le Sud-Ouest. Faut-il être pessimiste ou optimiste concernant l’avenir de la région ?
François Rohaut. – La question se pose en effet au regard des chiffres de ce début d’année. Christophe Ferland a fait le choix de Chantilly et je pense qu’il a tout pour pouvoir s’installer dans le haut du classement. Son départ ainsi que les changements opérés par Jean-Claude Rouget représentent une part de la baisse régionale. Malgré le confort moderne, les kilomètres pour aller courir à Paris restent une difficulté et ils représentent aussi un coût. Pour le Sud-Ouest, la disparition de la marquise de Moratalla fut un séisme. C’était la dernière des grandes casaques locales.
On constate que la région a connu un réel développement économique, mais que cela ne s’est pas traduit sur le plan hippique. Les jeunes entraîneurs vont devoir créer de nouvelles vocations, avec des clients locaux et étrangers. Je suis persuadé que c’est possible ! Dans les courses, il y a des hauts et des bas. Regardez Marseille : ils étaient au fond du gouffre par le passé et ils sont bien remontés. La Fédération du Sud-Ouest a tant de choses à offrir. Nous avons de très bons entraîneurs, de superbes hippodromes, un cadre magnifique et un art de vivre exceptionnel. On y vient pour les courses… et pour tout le reste !
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
Vous avez fait le choix de Pau dans les années 80. Était-ce une évidence ou avez-vous longuement réfléchi avant de poser vos valises dans le Béarn ?
Dès que j’ai découvert les installations et le cadre de vie, la décision était prise ! Je me suis installé en 1984, à l’âge de 26 ans. Je n’ai pas véritablement connu la période des très grandes casaques du Sud-Ouest. Beaucoup avaient déjà disparu quand je suis arrivé dans le Sud-Ouest mais il restait encore de nombreux petits propriétaires autour de Pau. Des passionnés qui avaient deux, trois ou quatre chevaux à l’entraînement. À cette époque, le meeting palois était déjà un vrai plus pour équilibrer les comptes de nos pensionnaires sans se déplacer. Il y avait un programme étoffé au niveau régional. Souvenez-vous : Michel Laborde gagnait plus de 100 courses par an en ne courant que le week-end et localement.
À quel moment le paysage hippique du Sud-Ouest a-t-il commencé à changer ?
La marquise de Moratalla a dominé la scène hippique locale pendant longtemps. Jean-Claude Rouget a attiré de nouveaux clients, comme Claude Gour et Issam Farès. Des Parisiens sont venus passer leurs week-ends dans le Sud-Ouest. Tout cela a créé une certaine dynamique qui a profité à plusieurs entraîneurs de la région et un plus grand nombre de chevaux provenant des ventes est arrivé ici. Mais face à cette nouvelle concurrence, une partie de la clientèle locale a eu du mal à suivre. Dans le même temps, les prix des pensions ont augmenté plus vite que les allocations et certains propriétaires locaux sont passés de trois ou quatre chevaux à un seul représentant. Beaucoup de casaques locales ont également disparu suite à des décès. Aujourd’hui, à Pau, il n’y a quasiment plus de propriétaires palois. Pourtant, les Palois aiment toujours les courses ! Ils sont simplement désormais peu nombreux à faire courir. De mon côté, j’ai ensuite eu la chance d’avoir le soutien de propriétaires internationaux.
« Aujourd’hui, à Pau, il n’y a quasiment plus de propriétaires palois »
Avez-vous pensé, à un moment, à quitter le Sud-Ouest ?
Si je l’avais fait, cela aurait été suite à un moment de difficultés financières. Mais je ne suis pas persuadé que ma famille aurait voulu quitter un tel cadre de vie. La question ne s’est donc jamais posée et je n’ai jamais envisagé de partir pour Paris, voire l’étranger.
Sur la décennie passée, vous avez eu tous les ans au moins 15 % de gagnants par partant, avec une petite exception en 2020 durant la pandémie, où vous étiez à 12 %, ce qui reste un très bon taux de réussite. Quelle est votre méthode ?
Je connais bien les pistes paloises et il y est totalement possible d’y former un bon cheval. L’important est de faire plaisir aux clients qui vous font confiance, et donc de gagner des courses… et même de bonnes courses quand on a le cheval capable de le faire ! Quand un client s’en va de la maison, c’est toujours un échec et il faut se remettre en question. Je connais beaucoup de propriétaires qui travaillent avec d’autres entraîneurs mais je ne me suis jamais permis d’aller les démarcher.
Comment tout a-t-il commencé pour vous ?
Mes grands-parents avaient le haras de Cheffreville en Normandie et mes parents ont monté un élevage dans l’Allier. Je suis né au milieu des chevaux ! Après le bac, j’ai fait un stage d’un an au haras du Quesnay, puis un an chez Sir Mark Prescott et un an chez Harry Wragg. Et les familles Rohaut et Rouget sont liées depuis l’époque de Cheffreville… Ainsi, mes vacances se passaient chez Claude Rouget. Je suis d’ailleurs resté à Pau pendant un moment avec son effectif d’obstacle, avant de travailler pendant deux années chez son fils Jean-Claude, qui est un ami.
Qui sont les premiers à vous avoir fait confiance ?
Mon premier client s’appelait Jean-Marie Mercier. Il était un ami de mes parents. Jean Laborde et Jean Biraben ont suivi, ainsi que d’autres propriétaires locaux. Et, bien sûr, mes parents m’ont soutenu. J’ai mis trois mois à remporter ma première course, pour le compte d’André Toulet, un personnage haut en couleur ! Hubert Mathet était en selle. Au départ, j’avais un effectif de très petite qualité. Puis une pouliche nommée Balbonella (Gay Mecene) a changé ma vie. Elle est arrivée à l’écurie en 1985…
« Balbonella a changé ma vie. Je suis devenu le premier entraîneur de province à remporter un Gr1 en plat »
Balbonella était élevée par vos parents et elle a été rachetée aux ventes. Quelle est son histoire ?
Un vétérinaire avait dit qu’elle ne verrait jamais un hippodrome ! J’étais avec Jean-Claude le jour où elle est pour la première fois allée au gazon, sur la célèbre ligne droite de Pau. Nous nous sommes tous les deux regardés en nous demandant ce qu’il se passait ! Elle montrait de telles choses le matin, qu’après sa victoire en débutant à Mont-de-Marsan, je savais que nous irions courir à Évry, avec la Listed de Maisons-Laffitte comme objectif suivant. Il n’a pas été facile de convaincre Yves Saint-Martin de monter une pouliche qui venait de gagner à Mont-de-Marsan pour l’entraînement d’un jeune inconnu ! Ce ne fut possible que grâce à l’intervention d’un ami de mon père, qui était proche du grand jockey. À cette époque, aller à Paris était vraiment compliqué… Il fallait au moins dix heures de camion. Par l’intermédiaire de Guy Armengol, Balbonella a ensuite été vendue à Maktoum Al Maktoum. C’est sous cette nouvelle casaque qu’elle a survolé le Prix Robert Papin (Gr1). Je suis ainsi devenu le premier entraîneur de province à remporter un Gr1 en plat.
Signe des temps, Balbonnella avait changé d’entraîneur dans la foulée du Gr1 et elle est partie pour Chantilly. Les retombées positives ont-elles été immédiates pour le jeune entraîneur que vous étiez ?
Cela m’a permis d’accueillir de nouveaux clients, dont la famille Montauban. J’ai ainsi déménagé dans l’établissement de Jean Lesbordes, qui venait de monter à Paris, tout en récupérant l’un de ses clients, Guy Juppe. Il avait un cheval phénoménal, Sherpas (Gairloch). Le poulain a gagné la Coupe des 3ans à Lyon, le Derby du Languedoc… mais pas le Derby du Midi, qui était alors fermé aux chevaux élevés en Normandie ! Aucun de mes bons chevaux de l’époque ne pouvait le courir car ils provenaient des ventes.
Et l’obstacle ? Dans les années 1980 et 1990, vous aviez des sauteurs de haut niveau…
J’ai eu beaucoup de réussite avec la casaque Montauban. El Triunfo (Île de Bourbon) était un champion. Il a été le meilleur cheval de steeple et de haies la même année, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Ce fut un coup de foudre aux ventes et Francis Montauban a accepté d’aller au-delà de son budget. Nous l’avions acheté dans l’idée de trouver un cheval polyvalent puisque sa mère était une jument de Quinté en plat. El Triunfo était un vrai Monsieur – autoritaire ! – et il a fallu le castrer à 3ans. Une fois ses problèmes de caractère résolus, il est devenu un cheval extraordinaire qui nous a offert la victoire dans le Grand Steeple-Chase de Paris 1992. Nous avons aussi eu beaucoup de réussite avec les « Deliberos », comme Arenice (Brezzo). J’ai également entraîné First Gold (Shafoun) pendant quelque temps, pour le compte du regretté Gilles Chaignon. Je suis très heureux d’avoir remporté le Grand Cross de Pau à deux reprises. Ce sont des moments de grand bonheur, c’est si difficile de dresser un cheval sur le cross.
Pourquoi avoir arrêté l’obstacle ?
Cette période magnifique a été marquée par de grands jockeys et cela aide beaucoup. J’avais Philippe Boisgontier sur place et c’est lui qui a dressé El Triunfo. Dominique Vincent et Didier Mescam montaient à Auteuil pour nous après l’accident de Philippe. C’était un vrai bonheur de travailler avec ces jockeys, tout était facile avec eux. Mais lorsqu’ils ont arrêté de monter, je n’avais plus les pilotes pour travailler en bonne entente. Au même moment, de meilleurs chevaux de plat sont arrivés chez nous, notamment ceux de Berend van Dalfsen. Progressivement, les sauteurs ont disparu de l’effectif.
Comment Berend van Dalfsen est-il arrivé chez vous ?
Nous avions tous les deux des poulinières au haras du Berlais ! Les résultats ont été au rendez-vous au niveau Groupe avec Turtle Bow (Turtle Island), Turtle Bowl (Dyhim Diamond), Irish Wells (Poliglote) et, bien sûr, Lady Vettori (Vettori).
Lady Vettori est désormais célèbre pour être la mère de Lope de Vega et l’aïeule d’une bonne dizaine de black types. Pouvez-vous nous parler d’elle ?
Son pedigree n’était pas très à la mode, tant du côté maternel que paternel. Lady Vettori est arrivée chez nous dans le but d’être préparée pour les breeze up. Elle était petite… tellement petite qu’il m’a fallu trois jours pour me rendre compte qu’elle était dans son box au cÅ“ur de l’écurie de débourrage ! C’était une peste, comme beaucoup de bonnes pouliches. Mais le matin, elle montrait vraiment de la qualité. Elle a gagné le Prix du Calvados (Gr3) et le Critérium du Béquet (L), puis s’est fait une fêlure le jour où elle a été battue de peu dans le Prix Imprudence (L). C’est vraiment dommage car Olivier Peslier m’avait dit : « Avec les Å“illères, on va avoir une première chance dans les Guinées. » Elle n’a plus recouru mais elle est devenue une grande poulinière.
« Au départ, Lady Vettori est arrivée chez nous dans le but d’être préparée pour les breeze up »
Vous avez eu beaucoup de futures bonnes mères entre les mains et vous êtes aussi éleveur. Avec le recul, qu’est-ce qui vous paraît être le plus important chez une future poulinière ?
Il fut un temps où quatre ou cinq gagnants de Gr1 au Japon étaient issus de juments que j’avais entraînées. Mais je n’ai pas de conseils à donner aux éleveurs L’élevage, c’est un plaisir, une passion que j’ai héritée de mes parents. Il faut aussi dire que je n’interviens que dans le croisement : tout le travail est, aujourd’hui, fait par l’équipe du haras du Berlais. Auparavant, c’était par le haras des Granges et le haras du Lieu Marmion. Les victoires de mes élèves sont davantage dues à eux qu’à moi.
À plusieurs reprises, vos juments ont « surperformé » par rapport au niveau des étalons qui les ont saillies…
Il faut faire selon ses moyens ! Baki (Turtle Bowl) m’a fait tellement plaisir en donnant trois black types… J’espère désormais pouvoir lui offrir de meilleurs étalons jusqu’à la fin de sa carrière de poulinière. Elle a un beau Teofilo (Galileo) et va être saillie par Blue Point (Shamardal). J’espère avoir une pouliche car, jusqu’à présent, elle n’a donné que des mâles.
Baki est par Turtle Bowl, qui a beaucoup compté pour vous. Quelles étaient ses caractéristiques ?
Turtle Bowl produisait à son image : très dur, sain et courageux. En France, il n’a pas vraiment sailli de bonnes poulinières et il est mort assez rapidement après son arrivée au Japon. Mais il a quand même donné un gagnant de la Poule d’Essai des Poulains et un deuxième des 2.000 Guinées (Grs1). C’est désormais un bon père de mère.
Vous l’aviez débuté dans le Prix du Four à Chaux et il a ensuite de nouveau couru à trois reprises jusqu’au mois de décembre de ses 2ans. Montrait-il des capacités supérieures à cet âge ?
En dehors des « ultra-précoces », mes 2ans sont relativement préservés. Turtle Bowl n’était pas un grand précoce, il est venu avec le travail et les courses. Le cheval avait quelques problèmes de pieds et cela explique aussi sa troisième place dans le Prix Jacques Le Marois (Gr1). Il aurait mérité de gagner les Queen Anne Stakes (Gr1) mais une petite gêne à 200m du poteau lui coûte certainement la victoire. Il est battu de très peu ce jour-là … J’aime beaucoup aller courir à l’étranger ! Je crois avoir présenté des chevaux dans 23 pays différents.
« En dehors des ultra-précoces, mes 2ans sont relativement préservés »
Signs of Blessing n’est pas passé loin, lui aussi, de la victoire dans les Diamond Jubilee Stakes (Gr1) à Royal Ascot. Il est troisième, battu d’une encolure et courte tête. Pouvez-vous nous parler de lui ?
Signs of Blessing (Invincible Spirit) était un super cheval mais très caractériel. Il a donc fallu le castrer. Quand il était très bien, c’était un tout bon ! Il aurait mérité de gagner une autre grande course en plus de sa victoire dans le Prix Maurice de Gheest (Gr1) mais il a été malchanceux à plusieurs reprises. Désormais, il fait du dressage…
On vous a longtemps catalogué entraîneur de pouliches. Avez-vous peur qu’on vous colle l’étiquette d’entraîneur de pur-sang arabes ?
L’important est d’avoir de bons chevaux ! J’ai gagné en plat, en obstacle, avec des purs, des anglo-arabes, des AQPS et des pur-sang arabes. Lorsque l’on a la chance de travailler avec de grands propriétaires-éleveurs, on reçoit de bonnes pouliches comme celles de Shadwell, de Lady O’Reilly et d’autres. Ces belles femelles non issues des ventes m’ont été confiées dans le but de leur construire un CV pour leur seconde carrière au haras. Nous avons fait pour le mieux.
Et les mâles ?
Signs of Blessing a été le plus cher que l’on m’ait confié ! Il avait été acheté 100.000 € à Deauville. J’ai eu beaucoup de rachats, comme Turtle Bowl ou Irish Wells.
Un propriétaire peut gagner une grande course et jeter l’éponge rapidement ensuite… Vous avez connu cela. Avez-vous une explication ?
Je me souviens de Torrestrella (Orpen)… Elle avait été élevée par Francis Montauban et était présentée par le haras des Granges à Deauville. Ce fut un coup de foudre ! Le marteau est tombé à 30.000 €. Bernard Bargues, qui était un des voisins de Mathieu Daguzan-Garros, voulait se lancer dans le propriétariat et ce fut donc avec Torrestrella… Deux ans après, elle gagnait la Poule d’Essai des Pouliches (Gr1). Bernard Bargues l’a vendue et elle est devenue poulinière chez Shadwell. Il a un peu réinvesti ensuite, mais les suivants n’étaient pas des Torrestrella et il a arrêté. Au fond, je ne sais pas s’il était vraiment passionné. Je pense aussi à Raphaël Verspieren. Il a lui aussi connu une belle réussite avec Tie Black (Machiavellian), gagnante de la Poule des Pouliches, et Toupie (Intikhab), lauréate du Prix d’Arenberg (Gr3). Pendant trois ou quatre ans, nous avions de l’argent pour acheter de bonnes femelles, lesquelles ont confirmé en piste puis au haras. Malgré cette réussite fabuleuse, il a mis fin à son aventure dans les courses.
Torrestrella a débuté à Tarbes. Pensez-vous que c’est une piste sous-estimée ?
C’est une piste extraordinaire ! Et c’est grâce à l’équipe dirigeante, qui est en place sur cet hippodrome depuis une quinzaine d’années. J’adore courir à Tarbes pour de nombreuses raisons. C’est près de la maison, on est certain de la qualité du terrain, il est possible de monter en allant devant mais il est aussi possible de revenir de l’arrière. Je pense que c’est un hippodrome sous-utilisé.
Pouvez-vous nous raconter l’histoire de Pearly Shells ? C’est une histoire qui montre que, parfois, le propriétaire a raison…
C’est une histoire complètement folle ! Pearly Shells (Efisio) était considérée comme mauvaise chez Alain de Royer Dupré. Et au mois de février de ses 3ans, après les premiers canters, j’ai dit à Andreas Putsch qu’effectivement, elle n’était pas bonne ! Il n’a pas voulu la reprendre et m’a suggéré de prendre mon temps. En un mois et demi, elle est passée de « nulle » à gagnante potentielle. Quatre mois plus tard, elle gagnait un Groupe. Et en septembre, le Prix Vermeille (Gr1).
Le Vermeille en un temps record qui plus est ! Quelle est la leçon à retenir ?
J’ai retenu qu’il faut faire preuve de patience avec les pouliches… Elle a donné quatre black types au haras. Andreas Putsch lui a donné sa chance et il en a été récompensé.
La communauté des breeze up est constituée de femmes et d’hommes de chevaux de premier plan. Mick Murphy et Sarah O’Connell vous ont confié Without Words l’année dernière. Comment cela s’est-il fait ?
Je les connaissais un tout petit peu. Lors de la breeze up de Deauville, Without Words (Mendelssohn) a été rachetée 175.000 €. Sur les conseils d’une connaissance commune, ils m’ont envoyé cette pouliche avec du papier et du modèle. Elle avait par ailleurs signé un très bon breeze à Arqana ! Nous avons fait au mieux pour justifier leur confiance. Après une victoire à Toulouse, Without Words a été vendue en décembre à Deauville [pour 450.000 €, ndlr]. Mes clients sont satisfaits et c’est le plus important à mes yeux. Ce sont des gens adorables et passionnés, qui connaissent très bien leur métier. Et le 7 janvier, Brightly (Sea the Stars) a gagné à Pornichet pour eux.
À quoi l’écurie Rohaut ressemble-t-elle en janvier 2024 ?
Tout d’abord, il faut savoir que je limite volontairement mon effectif à 70 ou 80 pensionnaires afin d’éviter les problèmes de personnel. C’est la plus grande difficulté de tous les professionnels, au trot comme au galop et dans toute l’Europe. J’ai une équipe complète qui fait bien son travail. Mais si je prends des chevaux en plus, je risque de me mettre en difficulté. Alors même si le patron à une « grande gueule », les « gars » savent que les conditions sont bonnes. Ils sont bien payés et il y a du respect pour leur travail. Cela étant dit, entraîneur est parfois le plus beau métier du monde. Les chevaux vous font rencontrer des personnes exceptionnelles ! Mais il ne faut pas laisser les soucis financiers ou de personnel prendre le dessus. Je continue parce que je prends beaucoup de plaisir à entraîner.
« Je limite volontairement mon effectif à 70 ou 80 pensionnaires pour éviter les problèmes de personnel »
Que représentent les pur-sang arabes dans votre effectif 2024 ?
Au moins 50 %. C’est en partie la conséquence de la disparition de Lady O’Reilly et du cheikh Hamdan. Mécaniquement, j’ai désormais moins de pur-sang anglais. Par contre, ils sont souvent très bien nés et j’ai une génération de 3ans très sympa ! L’année dernière, Perama (Siyouni) a gagné le Prix Fille de l’Air (Gr3). Nous avons remporté au moins un Groupe quasiment tous les ans avec les pur-sang anglais. Dans le même temps, je reçois de plus en plus de pur-sang arabes de grande qualité. L’an dernier, l’écurie a décroché quatre millions de gains en cumulant la France et l’international, dont trois avec les chevaux arabes ! Cela interpelle les propriétaires étrangers et ils frappent à la porte. Pour l’instant, cette race n’a pas assez de courses en France étant donné les effectifs, mais cela va venir progressivement.
Pendant le week-end de l’Arc, vous avez manifesté votre mécontentement face au traitement télévisé de la Qatar Arabian World Cup. Pourquoi ?
Certains journalistes ne veulent pas parler des pur-sang arabes. Ce sont des épreuves régulières pour les joueurs. Je connais de grands parieurs qui se sont mis à les jouer. Et c’est une filière d’excellence française, où 75 % des allocations viennent du sponsoring. Si on arrivait à avoir la même chose avec les pur-sang anglais, la France des courses irait beaucoup mieux ! En attendant, les courses de pur-sang arabes font le plein en France ; on dédouble même régulièrement des épreuves. De plus, ils font des longues carrières et c’est formidable.
Dans les pays du Golfe, vous avez de nombreux jeunes propriétaires, de 20 ou 30 ans, qui ont des moyens et la passion des courses de pur-sang arabes chevillée au corps. Quand je suis à Doha, on m’arrête sans cesse pour me demander des nouvelles d’Al Ghadeer (Al Mourtajez). Le match face au très bon Abbes (TM Frex Texas) dans la prochaine H.H. The Amir Sword (Gr1 PA) fait rêver les gens là -bas ! Ils veulent voir leurs champions courir. L’ambiance est électrique le jour de la course et l’émir est présent. Je me souviens de la victoire de Ska de l’Aigle (Al Mourtajez) dans le Silver Sword, la course réservée aux propriétaires « autres que cheikhs » l’an dernier. Pour Abdullah Al Attiyah, son propriétaire, recevoir le trophée des mains de l’émir était un moment énorme et très émouvant. Ces gens investissent beaucoup en France, à l’entraînement comme à l’élevage. Leur réussite est logique. Ces jeunes propriétaires du Golfe sont souvent amenés à faire courir des pur-sang anglais chez nous un jour. France Galop en a bien conscience et c’est une chance pour notre pays !