Ron Huggins : « J’ai pris beaucoup de plaisir à élever et faire courir en France »
Le Britannique Ron Huggins est l’éleveur du “FR” I Am Maximus, lauréat du Bar One Racing Drinmore Novice Chase (Gr1) ce week-end en Irlande. À contre-courant, il se passionne pour les longues distances… avec succès !
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
Le nom de Ron Huggins ne vous dit peut-être rien. Mais c’est une personnalité très connue outre-Manche. Et pour cause, il fut le propriétaire de Double Trigger (Ela Mana Mou), un cheval de tenue très populaire qui a même été statufié à Doncaster. Il a gagné 12 Groupes dans sa carrière, dont la Triple couronne (officieuse) des stayers. Le cheval a même eu un train (oui, un train ! ) à son effigie et sa combativité légendaire faisait rêver les parieurs anglais.
Sa mère a coûté 7.500 € chez Osarus
Ron Huggins est un industriel des consommables en papier (mouchoirs, etc.) mais il s’est énormément impliqué dans sa passion pour les courses, au point d’avoir son propre haras en Angleterre et d’être élu dans diverses institutions hippiques. Il nous a confié : « J’ai aussi élevé pendant un moment en France, au haras d’Ellon, avec deux poulinières. Lors d’une des premières ventes Osarus, à Clairefontaine, j’ai acheté une ex-Wertheimer pour 7.500 €. Elle s’appelait Polysheba (Poliglote) et s’était classée troisième du Prix Isola Bella (L). Mais à cet instant de sa carrière de poulinière, elle n’avait pas brillé au haras. D’où ce prix modique. Elle avait 9ans. C’était la future mère d’I Am Maximus. »
Au départ, il a été fabriqué pour le plat
Son fils I Am Maximus (Authorized) n’a pas été conçu pour passer en vente. Et encore moins pour l’obstacle, même s’il y a de très bons sauteurs dans sa proche famille : « À l’élevage, j’avais un associé formidable, George Tiney. Un partenariat absolument parfait qui a duré des années sans le moindre nuage à l’horizon. Lorsque I Am Maximus a vu le jour, George était malade. Ce cheval, qui était destiné à rejoindre Mark Johnston, l’entraîneur de Double Trigger, est donc passé en vente. Ce n’était pas le plus beau des yearlings. Bien que bon marcheur, il semblait tardif et manquait de force. Le poulain a été vendu pour seulement 26.000 €. Heureusement, nous avons vendu son frère pour 45.000 € quelques années plus tard. » George Tiney est mort il y a deux ans, alors que I Am Maximus débutait sa carrière sportive. Ron Huggins réagit : « J’aurais aimé que George voie la réussite de notre élève de ses propres yeux. C’est très triste. »
Sa méthode
Sur le papier, croiser Authorized (Montjeu) sur une fille de Poliglote (Sadler’s Wells)… cela fait beaucoup de tenue. Et ce même si la mère est black type sur le mile. Ron Huggins analyse : « C’est une famille américaine, celle d’Unbridled (Fappiano), un gagnant du Kentucky Derby (Gr1). Le pedigree laissait néanmoins transparaître des éléments de vitesse, qui compensent théoriquement la tenue d’Authorized. Et comparativement à un certain nombre de sauteurs, I Am Maximus est capable d’accélérer pour finir. L’étude des pedigrees, c’est vraiment une passion. Je fais toujours ma propre sélection, sur cette base, avant d’aller aux ventes. » I Am Maximus – comme Double Trigger – est issu d’une jument française. Double Trigger fut un achat très inspiré, lui qui n’avait coûté que 7.500 £ irlandaises : « Son père, Ela Mana Mou, produisait des chevaux très durs et très solides. Et il était complètement passé de mode. J’ai donc volontairement recherché à acheter certains de ses produits. » Passionné par les chevaux de tenue, Ron Huggins a aussi élevé et fait courir le “FR” Jukebox Jive (Jukebox Jury), placé de Listed en plat et gagnant du prestigieux November Handicap à Naas. Jukebox Jive est aussi performant sur les obstacles : « J’ai bien connu son père, Jukebox Jury, chez Mark Johnston. C’était un super cheval, courageux et solide. Voilà pourquoi j’ai envoyé une jument jusqu’en Allemagne ! Et c’est un bon étalon, sous-estimé pour le plat. »
Pourquoi il n’a plus de chevaux en France
Ron Huggins a été propriétaire. Puis éleveur. Et désormais, il est redevenu en priorité propriétaire : « Je n’ai plus de poulinière en Angleterre car je ne peux plus m’en occuper moi-même. Les foals et les yearlings, c’est trop compliqué avec l’âge. Et élever coûte trop cher en Angleterre. Il y a quelques décennies, on pouvait s’en sortir dans le middle market. Mais, depuis 2008, c’est tout simplement impossible car le middle market n’existe plus. Au bout de cinq années de pertes importantes, j’ai jeté l’éponge. C’est plus simple et moins coûteux d’être propriétaire. Je suis copropriétaire de Coquelicot (Soldier of Fortune), acheté à Deauville, qui vient de gagner une Listed sur les haies de Kempton. J’ai aussi acheté un bout d’une Masked Marvel récemment, toujours chez Arqana. Par le passé, j’ai aussi pris beaucoup de plaisir à faire courir en France chez Philippe van de Poële. Mais l’augmentation de la T.V.A. a rendu les choses trop compliquées pour un propriétaire britannique et je n’ai plus de chevaux à l’entraînement dans votre pays. Et j’ai également stoppé l’élevage en France lorsque nous avons vendu notre résidence secondaire normande suite au Brexit. »