L’ancien directeur général des commissaires de la Nouvelle-Galles du Sud a été nommé commissaire en chef du Hong Kong Jockey Club à la fin de l’année dernière. Il a rapidement montré que l’héritage de son prédécesseur Kim Kelly était bien préservé, car le très compétitif monde des courses du Hong Kong Racing World doit être monté avec des rênes courtes…
HK Turf. – En quoi votre rôle ici est-il différent de celui que vous occupiez en Nouvelle-Galles du Sud ?
Marc Van Gestel. – À Sydney, je supervisais 120 hippodromes. La Nouvelle-Galles du Sud est une grande province. J’avais des commissaires dans différentes juridictions de l’État pour surveiller les opérations locales et les courses. Vous devez beaucoup vous appuyer sur ces personnes pour contrôler des régions aussi vastes. Ici, c’est beaucoup plus intense. Deux réunions de course par semaine nécessitent davantage de concentration et une surveillance attentive à tout ce qui se passe sur place. Je vais aussi sur les pistes à l’entraînement, je regarde les barrier trials, en plus d’assister à toutes les courses. Je peux suivre toutes ces opérations de très près. L’une des raisons pour lesquelles je suis venu travailler pour le Club était son statut de leader dans le domaine des courses de chevaux. J’ai travaillé à garantir l’intégrité des courses toute ma vie. Le rôle que j’occupe aujourd’hui est le summum dans ce domaine. Je voulais revenir au contrôle de la course, alors qu’en Nouvelle-Galles du Sud, une grande partie de mon activité tournait autour des enquêtes et des appels. La compétition est ce qui m’a passionné dans les courses. C’est l’attrait de ce travail : vous vous concentrez sur le contrôle des courses, sur leur intégrité, et vous êtes assuré de voir des chevaux de premier plan montés par quelques-uns des meilleurs cavaliers du monde. Être en mesure d’arbitrer cette activité avec ce niveau de compétition, c’est tout ce que je désirais.
Avez-vous constaté que les commissaires et le club fonctionnent très différemment de la Nouvelle-Galles du Sud lorsque vous avez commencé à travailler à Hongkong ?
Les principes sont très similaires. Cela s’explique probablement par le fait que les anciens commissaires et moi-même sommes tous passés par le système australien. Nous étions donc sur la même longueur d’onde sur l’interprétation des règles. D’ailleurs, l’organisation est la même. Les jours de course, nous avons un commissaire en chef, c’est-à -dire moi, et un président de la réunion de course qui est un membre élu du conseil des commissaires du club. Ce sont des hommes de cheval accomplis qui partagent une connaissance approfondie de notre milieu. Néanmoins, le club estime nécessaire d’employer des commissaires professionnels formés pour comprendre les règles, les principes et le fonctionnement pratique des opérations. C’est un système mixte qui fonctionne plutôt bien. Le conseil d’administration supervise le processus de réglementation ou d’intégrité, et en même temps, des commissaires professionnels font tourner la machine.
Le Jockey Club organise toutes les activités liées aux courses ici, des paris à l’importation des chevaux. Votre rôle en tant que chef des commissaires est-il donc plus important que dans d’autres juridictions ?
Mon équipe et moi-même sommes responsables de l’application du Code. L’une des valeurs fondamentales du club est l’intégrité, sans aucun compromis. Une partie de ma responsabilité consiste à veiller à ce que cette intégrité soit maintenue à un niveau extrêmement élevé. Je me concentre beaucoup sur la façon dont les réunions de course sont menées, tandis que le département de contrôle des courses a des responsabilités en termes de licences. Nous devons nous nous assurer que nos acteurs des courses, qu’ils soient propriétaires, agents, entraîneurs ou jockeys, soient irréprochables. Les jockeys et les entraîneurs sont notre vitrine. Il est donc primordial qu’ils fassent preuve de la plus grande intégrité, car en fin de compte, ce sont bien eux qui décident de la façon dont les courses sont menées, en présentant un cheval apte à courir et en montant ce cheval dans la course. Nous sommes donc très attentifs aux faits et gestes des détenteurs de ces deux catégories de licences. On ne peut rien cacher, ici. Tout est enregistré, il y a toujours quelqu’un qui veille, mais c’est ce qui rend l’intégrité du sport si bonne. C’est un excellent moyen de dissuasion qui empêche les gens de faire ce qu’il ne faut pas.
Votre service est donc constamment sur le qui-vive…
C’est bien ça. Nous assistons également aux travaux sur la piste le matin et sommes responsables du contrôle biologique, sur les chevaux comme sur les humains. Nous exerçons une surveillance étroite de ce qui se déroule sur les pistes, afin de veiller à ce que le travail soit effectué en toute sécurité. C’est primordial, et le club a la chance de pouvoir disposer de toutes les ressources nécessaires pour garantir l’environnement le plus sûr possible. Notre équipe suit donc l’entraînement tous les matins, surveille chaque opération, s’assure que l’équipement utilisé est conforme à la réglementation, que les conditions de la piste et les règlements sont respectés par tous. C’est une machine très bien huilée. S’il y a un accident, il y a une réaction immédiate, du triage aux premiers soins en passant par l’obtention de la meilleure aide et de l’assistance à toute personne susceptible d’être blessée. Nous ne faisons aucun compromis sur ce point. Des exercices sont effectués régulièrement pour nous assurer que chacun connaisse sa mission et puisse réagir de façon efficace le jour de la course et à l’entraînement.
On dirait un peu une armée !
Il s’agit simplement de s’assurer que les choses sont faites comme il faut. Le club est fier de veiller à ce que la sécurité de ses participants soit bien assurée. Les pratiques ici sont bien au-dessus de tout ce que j’ai vu dans le monde dans ce domaine.
Quel est généralement l’aspect le plus difficile des courses de Hongkong pour les étrangers ?
La compétitivité. Dès l’ouverture des stalles de départ, on est au cÅ“ur de la course. En Europe et, dans une moindre mesure, en Australie, le début de la course est beaucoup plus serein. La course suit son cours, les places se prennent progressivement. Ici, les jockeys sont immédiatement à la recherche de la meilleure option, et c’est très compétitif. Nous avons les meilleurs jockeys du monde ici, et en tant que groupe, ils sont très compétents. Ils tiennent leur place en prenant aussi soin de leurs adversaires et en montrant du respect les uns pour les autres. De temps en temps, un jockey fera une erreur de jugement, ce qui pourra entraîner des gênes. Si l’un d’eux est reconnu coupable d’une infraction, notre travail consiste à porter l’accusation et à imposer une pénalité à titre dissuasif. Cependant, les jockeys sont des compétiteurs, mais ils veillent à leur sécurité. Ce n’est que parfois qu’ils franchissent les limites et qu’ils reçoivent une pénalité.
Comment les commissaires travaillent pendant les courses ?
Nous avons cinq commissaires professionnels qui travaillent à chaque réunion de course. Ils sont attachés au Premier commissaire désigné par le conseil du club, assisté d’un membre votant du club. Ensuite, nous employons trois cadets pour assister les commissaires qui travaillent à chaque réunion de course. Et Maggie Lam est mon bras droit. Elle me suit partout. C’est une sténographe et c’est la meilleure. Je lui dicte tous les rapports. Je vais après chaque course regarder le film, nous notons tous les incidents de chaque course et vérifions que les jockeys ont donné à leurs chevaux les meilleures chances de gagner. Nous examinons les positions occupées et les comparons à celles des sorties précédentes. Nous voulons comprendre, par exemple, pourquoi le cheval qui a mené la semaine d’avant se retrouve à l’arrière la course d’après. Nous interrogeons les jockeys et les entraîneurs. Nous considérons les raisons invoquées pour expliquer les actions du jockey dans la course. Vous verrez souvent dans nos rapports que les commissaires évoquent une « décision sensée » du jockey, ou au contraire une « erreur de jugement » . Et si cette erreur de jugement a des conséquences, elle peut entraîner une sanction. Notre rapport est généralement dicté avant le départ de l’épreuve suivante. Et puis, les enquêtes sont menées en même temps. C’est une activité très intense, et les choses vont très vite. Il faut des commissaires professionnels pour discuter de toutes ces choses tout au long de la réunion, porter des jugements et être capables de communiquer efficacement et de comprendre les principes et les règles, car vous n’avez que 30 à 35 minutes pour mener toutes ces opérations. Il faut être très compétent et concentré.
Vous interrogez donc les jockeys et les entraîneurs lors d’une enquête…
Oui, comme en Australie. Les entraîneurs connaissent leurs chevaux, évidemment. La plupart du temps, la connaissance d’un jockey se limite à la performance du cheval sur le coup, sur son comportement le jour même. Mais bien souvent, il ne connaît pas assez son cheval pour évoquer son comportement général. Il est donc essentiel que l’entraîneur soit interrogé et qu’il explique les raisons pour lesquelles il pense que le cheval a pu courir comme il l’a fait. Nous les interrogeons aussi lorsque les performances d’un cheval s’améliorent. C’est une question de transparence et de suivi des chevaux.
Certaines prestations, au contraire, sont jugées « inacceptables ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Le terme est généralement utilisé lorsque le cheval a couru à un niveau que nous jugeons inacceptable par rapport à ses prestations et son niveau habituels. Ainsi, il pourrait avoir de mauvaises manies, partir trop lentement, ou ne pas égaler son niveau habituel. Lorsqu’une performance est ainsi jugée « inacceptable », le cheval doit disputer un barrier trial pour montrer qu’il a gardé la forme et il est soumis à un examen vétérinaire. L’autre terme que nous employons, c’est celui de performance « décevante ». Elle est utilisée lorsqu’un cheval très suivi au betting performe en deçà des attentes. Il devra lui aussi repasser par un barrier trial etun examen vétérinaire.
Comment se fait-il que les agents de jockeys soient interdits à Hongkong ?
C’est une règle qui a été établie bien avant mon arrivée. La logique que j’y vois, c’est que là où des agents ont été introduits, les jockeys se sentent moins impliqués. Ici, ils sont responsables de leurs montes et peuvent toujours y travailler dès la sortie des déclarations ou des engagements. Il n’y a que deux réunions de course par semaine ici, et ils ont donc assez de temps pour le faire. C’est aussi une question d’intégrité, car cela permet d’éviter qu’un intermédiaire se mêle des engagements. Les jockeys doivent collaborer avec les entraîneurs, et le fait de chercher eux-mêmes leurs montes les encourage à monter à l’entraînement, à nouer des relations plus étroites avec ces entraîneurs. Vous voyez ici des chevaux changer d’écurie, et les jockeys changent souvent. Si le propriétaire ou l’entraîneur n’apprécie pas une monte, il y a beaucoup d’autres bons jockeys parmi lesquels choisir une alternative. Les courses sont très disputées, mais l’avant-course aussi est très concurrentielle. Les jockeys qui montent à Hongkong en reviennent généralement beaucoup mieux et plus compétitifs, à la fois sur et en dehors de la piste. C’est dû à cet environnement hyperconcurrentiel.
La récente suspension de Vincent Ho nous a semblé sévère par rapport à nos critères. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous lui avez reproché ?
Encore une fois, il s’agit de protéger le parieur. Le règlement stipule que vous devez monter à la satisfaction des commissaires jusqu’à la fin de la course, ce qui signifie que vous devez pousser votre partenaire jusqu’à l’arrivée. Malheureusement pour Vincent, il a mal estimé la position du poteau gagnant, et il a arrêté de pousser, de telle façon qu’il a compromis sa place à l’arrivée. Ce type de comportement pourrait faire naître un doute dans l’esprit des parieurs. Dès lors, nous devons nous mettre à leur place et enquêter en leur nom. Si nous pensons qu’un jockey a enfreint les règles ou compromis les chances de son cheval de gagner ou d’être placé dans la course, nous sommes tenus d’infliger une sanction. Cela fonctionne comme un moyen de dissuasion, pour que chacun se rappelle comme nous prenons cet aspect au sérieux. C’est ce qu’on appelle une dissuasion générale et personnelle. Matthew Poon aussi a été suspendu il y a quelques semaines après avoir couru avec All for St. Paul’s. Il a terminé troisième, battu de justesse parce qu’il avait arrêté de monter et ainsi compromis sa position. Il s’agit simplement de pousser et de monter son cheval jusqu’à l’arrivée de la course, à moins, bien sûr, qu’il n’y ait un problème.
Qu’en est-il de l’utilisation de la cravache ?
Tout d’abord, elles sont bien sûr enrobées de mousse, ce qui est le modèle courant dans le monde entier maintenant. Nous avons des règles pour sanctionner les jockeys qui abusent de la cravache ou qui l’utilisent de manière excessive sur un cheval qui n’est plus en mesure de faire l’arrivée. Il y a aujourd’hui beaucoup moins d’abus de la sorte. Si le cheval ne réagit pas à la cravache, par exemple, le jockey doit arrêter de cravacher et simplement pousser aux mains. Si le cheval est battu, il n’est pas nécessaire d’utiliser la cravache. Mais si le cheval répond aux sollicitations de la cravache, il peut continuer à l’utiliser jusqu’à la fin de la course. Il n’y a pas de système de nombre de coups, ici. Nous avons affaire à 22 ou 23 pilotes chaque semaine. Nous pouvons évaluer leur façon de monter et leur parler régulièrement pour nous assurer qu’il n’y aura pas de dérive…
Travaillez-vous avec les services de police dans les affaires graves ?
Le club dispose de son propre service de sécurité qui travaille en étroite collaboration avec les forces de l’ordre. Parfois, cela impliquera le contrôle des courses et les commissaires. Le club et les forces de l’ordre communiquent dans les deux sens. Les commissaires ont déjà des pouvoirs d’enquête assez étendus. En vertu de nos règles, comme en Australie, nous pouvons saisir et contrôler les téléphones portables. Les forces de l’ordre aussi. Nous n’avons donc pas nécessairement besoin de nous adresser à elles pour obtenir le téléphone portable d’une personne titulaire d’un permis et en extraire des informations.
Pourquoi pensez-vous que les normes sont si strictes à Hongkong ?
Les courses ici rapportent traditionnellement des sommes d’argent importantes. Plus ces sommes sont élevées, plus le niveau d’intégrité doit l’être. Et cela va dans les deux sens pour créer un cercle vertueux. Le club se doit de montrer aux personnes qui parient sur les courses que tout se déroule dans le respect des règles. Si le public ou les parieurs perdent confiance dans le produit, ils iront parier sur autre chose, que ce soit le football, le tennis, le golf ou toute autre activité qui leur donnera la sensation d’en avoir plus pour leur argent. Notre travail consiste à donner confiance au public et aux parieurs et à leur montrer que chaque course est gérée de manière appropriée et examinée de manière adéquate avec les systèmes que nous avons mis en place. Tout cela leur donne la confiance nécessaire pour parier sur la course. Les commissaires sont la voix des parieurs. Si nous regardons une course et que nous pensons qu’il y a quelque chose qui doit être remis en question, la personne qui a parié pense sûrement la même chose. Notre travail consiste donc à poser la question en son nom.