Pierre Lauga, l’élevage, les courses, le rugby, les amis… et une victoire à Auteuil !
Par Thomas Guilmin
tg@jourdegalop.com
Trois jours après que son élève et représentante – en association avec Arnaud Chaillé-Chaillé –, Try Line (Castle du Berlais), a gagné le Prix Bernard Sécly (L), Pierre Lauga semble ne pas avoir encore bien réalisé : « Avoir deux partants qui portent vos couleurs lors du week-end de l’obstacle, c’est incroyable. Je ne me rends pas compte de la chance que j’ai ! Et j’arrive encore moins à me persuader qu’une de mes pouliches a gagné. Quelques jours plus tard, je ressens encore des frissons lorsque j’en parle… »
Il s’est d’abord lancé en tant qu’éleveur
L’histoire de Pierre Lauga est d’autant plus belle qu’il y a encore 25 ans, il n’était qu’un simple adepte des courses hippiques. D’abord éleveur, il a demandé ses couleurs il y a juste un an : « Je suis passionné de courses depuis mon plus jeune âge. Mes parents étant agriculteurs, je suis toujours allé aux courses de Pau. C’était en quelque sorte une institution de s’y rendre le mercredi et le dimanche. Je suis très ami avec la famille Seguinotte, qui a toujours eu pas mal de chevaux. Je pense notamment à Thierry, le propriétaire de Blackfield (Great Prentender) qui a remporté le Prix Montgomery (Gr3) cette année. En 1998, j’ai acheté ma première poulinière par l’intermédiaire de l’entraîneur de l’équipe de rugby de Montchanin, Robert Bernos. À l’époque, ce dernier m’avait fait rencontrer monsieur Soula, propriétaire réputé qui avait des chevaux chez monsieur Van de Poële. Dans la vie, j’ai toujours aimé apprendre. À Pau, nous ne manquons pas d’entraîneurs. Je travaille aux halles depuis 1991 et cela m’a fréquemment permis de les côtoyer. Il m’arrive souvent de voir Jean-Claude Rouget, François Rohaut, et surtout Jean-Pierre Totain avec lequel je suis ami. »
Il travaille en étroite collaboration avec son fils
Bien souvent, la passion des courses est un virus qui s’attrape très jeune grâce à un ou plusieurs membres de sa famille. Ne dérogeant pas à la règle, Pierre Luga a été initié par ses parents. Ensuite, il a reproduit le schéma avec son fils : « C’est une chance d’avoir un fils qui partage la même passion. D’autant que, lorsque l’on élève, c’est mieux d’être à deux que tout seul. Mon fils m’aide énormément en me prodiguant de bons conseils. C’est lui qui s’occupe des croisements. Pour ma part, j’ai tendance à le raisonner. Il aime également beaucoup le rugby tout comme moi. »
Vous l’aurez compris, Pierre Lauga n’est pas uniquement un passionné de courses de chevaux, c’est également un « mordu » d’un autre sport : le rugby ! D’ailleurs, la majorité de ses chevaux ont un nom qui fait référence au ballon ovale. Try Line veut dire « ligne d’essai » en anglais, Flanker (Kap Rock) signifie « troisième ligne »… Lorsqu’on lui demande s’il existe, pour lui, quelques similitudes entre ces deux sports, il répond rapidement : « Au niveau de l’entraînement, je trouve qu’il existe beaucoup de similitudes avec le rugby. Mais c’est surtout avec Arnaud Chaillé-Chaillé que je me trouve des similitudes. Il aime le rugby, et moi aussi. Il a une façon de voir les choses qui se rapproche beaucoup du ballon ovale. Puis, aussi bien au rugby qu’aux courses, je suis quelqu’un d’assez démonstratif. Lorsque je gagne, je ne peux pas m’empêcher de sauter ! Dimanche, après la victoire de Try Line, nous nous sommes enlacés avec mon fils et Arnaud. Pourtant, Arnaud en a gagné beaucoup, des Groupes… Cela prouve qu’il y a une forte amitié qui ressort de cela. J’ai connu Arnaud via l’intermédiaire de messieurs Seguinotte et Totain. Lorsque j’ai pris mes couleurs, je n’ai jamais imaginé avoir ma casaque dans une autre structure que la sienne. »
Et hop… un petit « pic » en passant à l’entraîneur
Pierre Lauga n’est pas un éleveur/propriétaire qui met la pression à son entraîneur. Par contre, les deux hommes échangent énormément sur un sujet autre que les courses : « Autant, lorsque l’on me parle de rugby, je suis intarissable. Mais, lorsque l’on parle de chevaux, je ne dis rien et c’est Arnaud Chaillé-Chaillé qui décide. Je lui fais confiance à 100 %. Jamais je n’oserais remettre en question ce qu’il me dit. Tous les matins, les chevaux passent devant lui. Je ne me vois donc pas lui dire ce qu’il devrait faire… D’ailleurs, lorsque j’échange avec lui, on parle plus souvent de rugby que de mes chevaux… Et, en ce moment, je n’hésite pas à en parler car Pau est en tête au classement du top 14 avec le Stade français, tandis que La Rochelle est un peu plus loin derrière (rires). »
Encore une comparaison au rugby… !
Dimanche, Try Line a toutefois donné quelques sueurs froides au propriétaire… Encore loin dans la ligne d’en face, la pouliche a ensuite « refait le champ de courses » pour finalement s’imposer : « Je compare la victoire de Try Line à un drop transformé à la dernière seconde au rugby. En face, je ne cache pas que je l’ai trouvée un peu loin. Avec mon fils, on s’est regardé et on faisait un peu la moue. Et puis ce n’était que la quatrième course de la pouliche… Gaëtan Masure, son jockey, m’a dit qu’elle venait comme en faisant un canter lorsqu’il lui a demandé de produire son effort. »
L’élevage entre amis, la solution pour gagner à Auteuil ?
Basé dans sa ville, à Pau, l’élevage de Pierre Lauga comporte actuellement quatre poulinières à vocation obstacle : « Lorsque j’évoque mon élevage, je suis encore une fois obligé de parler d’amitié. J’ai trois souches en quelque sorte. La première vient de chez monsieur Seguinotte. C’est celle de la famille de Shekira (Medaaly), gagnante du Prix Renaud du Vivier (Gr1). C’est aussi celle de Flanker. Ensuite, la souche de Try Line est le fruit de mon association avec l’écurie d’Ossau (Jean-Pierre Totain). Ensemble, nous avons effectué le croisement de Laurelei (Malinas), la mère de Try Line. Enfin, la troisième souche a commencé avec Winterliebe (Big Shuffle), la mère de Drop (Lucayan), un 4ans qui est chez Jean-Pierre Daireaux. » En 2023, Laurelei est allée à la rencontre de Mare Australis (Australia), qui officie au haras de la Hêtraie : « Try Line est une fille de Castle du Berlais (Saint des Saints) que l’on connaît bien puisqu’il était chez Arnaud Chaillé-Chaillé. Et nous connaissons bien également François Thomas, du haras du Lion. Cette année, la mère de Try Line est pleine de Mare Australis. Try Line est une pouliche qui n’a pas un gros physique, c’est pour cela que nous voulions un étalon qui avait pour mission d’apporter de la taille. Bien sûr, c’est une souche qui « saute ». J’espère juste que cela ne nous fera pas perdre de la vitesse ! »
Le frère de Try Line sur le ring d’Arqana
Pierre Lauga aura les yeux rivés du côté de Deauville la semaine prochaine. Et pour cause, le 2ans High Tackle (Born To Sea), frère de Try Line, sera présenté par le haras de Clairefontaine sous le numéro de lot 539 à la vente d’automne : « Nous n’avons pas d’autre choix que de vendre pour faire tourner l’élevage. C’est un très beau poulain, qui se déplace bien. Il est issu d’une lignée qui saute et nous avons essayé d’apporter de la vitesse avec Born to Sea (Invincible Spirit). »