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lundi 23 décembre 2024

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Philippe Ouvry : « Tous les éleveurs doivent être considérés de la même manière »

SPECIAL ÉLECTIONS

par Guillaume Boutillon 
gb@jourdegalop.com

Philippe Ouvry : « Tous les éleveurs doivent être considérés de la même manière »

Philippe Ouvry dirige le haras des Mesnils. Il sera tête de liste de l’Association Province – Paris pour le galop français, dans le collège éleveurs. À l’approche de l’ouverture du scrutin, il nous expose sa vision des courses.

Jour de Galop. – Le fait d’être tête liste aux élections du Comité de France Galop est une première pour vous. Pourquoi vous engager et pourquoi avoir choisi les « P.P. » ?

Philippe Ouvry. – Selon moi, les éleveurs sont toujours les parents pauvres de cette élection. Pourtant, ils sont à la base de tout ce qu’il se passe, puisque ce sont eux qui font naître les poulains. Mais je suis convaincu que nous, éleveurs, ne sommes pas suffisamment consultés quant aux choix stratégiques que doivent prendre France Galop et le PMU. Concernant les P.P., c’est une question d’hommes : nous sommes sur la même longueur d’onde. Ensuite dans P.P., Il y a Paris, mais il y a surtout province. Cette association incarne totalement la décentralisation générale des décisions à laquelle je suis très favorable.

Dans quelle situation se trouvent les éleveurs, selon vous ?

Déjà le modèle français des courses, c’était comme la sécurité sociale : c’était le meilleur du monde. Beaucoup d’éleveurs internationaux enviaient les éleveurs français. Maintenant, ce n’est plus le cas, car le modèle est malade. Alors, en premier lieu, il faut essayer de soigner le PMU et France Galop pour que l’on retrouve de la croissance. C’est d’ailleurs le maître-mot : renouer avec LA croissance. Cela passera essentiellement par les allocations, qui ont baissé ces dernières années. Les éleveurs, de leur côté, ont perdu la quasi-totalité des primes à l’étranger. Maintenant, pour avoir la prime à l’éleveur d’un cheval qui a été exporté, il faut qu’il soit premier ou deuxième d’un Gr1 ou Gr2. C’est-à-dire que cela concerne une poignée d’éleveurs et, en réalité, quasiment aucun « petit ». Cette décision a été prise durant le dernier mandat, en catimini, sans que les éleveurs aient été consultés préalablement, tant la décision en elle-même que la manière de l’avoir prise sont des aberrations. Pour que ce type de situation ne se reproduise plus, il faut passer de la démocratie représentative à une démocratie plus directe. Aujourd’hui, l’avis des petits ne pèse plus du tout.

« L’accès à de bons étalons est primordial pour l’éleveur »

Les courses se sont beaucoup professionnalisées ces dernières années, en particulier l’élevage avec des structures qui se sont très développées. Vous qui avez élevé Siljan’s Saga (gagnante de Gr2 et quatrième de l’Arc) ou encore Paul’s Saga (gagnante de Gr1 en obstacle), comment fait-on pour aider les « petits » ?

Cela fait des décennies que j’élève et j’ai pu voir le commerce se développer. Pour l’obstacle, discipline que je connais bien évidemment davantage, cela est plus récent. Ce qui est sûr, c’est que certaines structures ne se sont pas développées aussi vite que d’autres. Mais, pour un éleveur, l’ultra-commerce ne doit pas être le moteur pour autant. En ayant davantage dialogué avec les petits, c’est-à-dire en les écoutant davantage, France Galop aurait pu s’éviter cette situation. Ce n’est pas parce qu’on élève dans l’Allier ou en Mayenne que l’on n’a moins de bonnes idées qu’en Normandie. Je réclame que tous les éleveurs soient considérés de la même manière. Ne peut-on pas, sur une mandature de quatre ans, leur demander au moins de temps en temps leur avis ? Ensuite, l’accès à de bons étalons est primordial pour l’éleveur. Le modèle de Cercy est une excellente chose. Il permet un accès à la saillie à un prix raisonnable. Ce système coopératif est, à mon sens, un bon moyen d’aider les petits. Sans pour autant rétablir les Haras nationaux, l’Institution pourrait aussi aider à l’achat d’étalons et les placer ensuite dans des structures privées, réparties un peu partout sur le territoire. Les prix de saillies de ces étalons-là seraient contrôlés.

Quelles sont vos autres mesures ?

Sauver le 2/3 – 1/3 nous paraît indispensable, sachant qu’aujourd’hui au niveau de la distribution des allocations, nous sommes davantage sur du 3/4 – 1/4. Pour que le 2/3 -1/3 soit respecté, il faudra peut-être même se reposer la question de son inscription aux statuts. Nous appelons aussi à ce que le programme des courses soit revu. Est-il normal d’avoir autant de sprints dans le programme ? L’élevage français n’est pas un élevage de sprint. Nous n’avons ni les poulinières pour cela, ni les étalons, où alors en infime quantité. Le programme doit-il proposer autant de courses sur 1.000m ou 1.200m avec de telles allocations, surtout quand on voit que celles-ci sont remportées en quasi-totalité par les Irlandais ou Anglais ? Autant leur verser directement cet argent ! Ne pourrions-nous pas plutôt financer d’autres épreuves et ainsi faire en sorte qu’il n’y ait plus de courses creuses ?

« L’erreur est de ne voir qu’à travers les jeunes chevaux »

Et pour les régions ?

Il faut les aider sur ce que l’on sait faire. En leur donnant des courses d’obstacles, des courses de plat sur longues distances. Les jeunes chevaux sont importants pour l’élevage et l’avenir, mais nous devons arrêter d’être anti-vieux chevaux. Quand vous êtes éleveur et que votre cheval de 2ans ou 3ans est « pété » au bout de trois courses, c’est catastrophique ! Développer des challenges pour 4ans et plus, similaires à la Crystal Cup, aux Trophées national du Cross ou au Défi du Galop, me semble impératif. Ce sont des courses qui réunissent des partants et créent toujours l’événement. L’erreur est de ne voir qu’à travers les jeunes chevaux. Aussi bien en plat qu’en obstacle.

Comment peut-on faire pour que la France reste compétitive ?

On ne peut pas interdire aux éleveurs ou aux propriétaires de vendre leurs chevaux en Irlande ou en Angleterre. Au lieu d’interdire, car nous sommes forts pour ça en France, il vaudrait mieux motiver les uns et les autres à conserver leurs chevaux. Si rien n’est fait, à force de vendre nos meilleurs produits, nous risquons, dans un avenir à moyen terme, de mettre sérieusement en danger notre élevage. La prochaine équipe dirigeante devra impérativement saisir ce gros problème qui nous pend au nez, à tous.

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