« Ne vous fixez aucune limite et faites des miracles »
En 2009, le PMU faisait le même chiffre d’affaires que la Française des Jeux. En 2022, c’est moins de la moitié (9 milliards contre 20 milliards). Et si on essayait de revenir à égalité ?
Mayeul Caire
mc@jourdegalop.com
Bertrand Bélinguier a été le président du PMU le plus décisif. Il a pris en charge un vieillard malade au milieu des années 1990 et lorsqu’il a rendu les clés de la chambre en 2009, l’opérateur hippique était en pleine forme et avait rajeuni de mille ans : pour la seule fois de son histoire, il termina d’ailleurs l’année en tête des entreprises de jeux d’argent sur notre sol, devant la Française des Jeux. Aujourd’hui, le PMU (9,16 milliards) réalise moins de la moitié du chiffre d’affaires de la FDJ (20,6 milliards).
On comprend pourquoi il y a urgence à agir. Alors mardi matin, en conférence de presse, la direction du PMU a relancé les deux formules magiques qui avaient fait le succès de Bertrand Bélinguier : d’une part, un Quinté+ offrant à la fois plus de récurrence de gains (pour plus de recyclage, d’où le retour du bonus 4sur5) et de plus gros gains (pour challenger les loteries, d’où l’apparition du Numéro Max, héritier du Numéro Plus de 2005 : les deux permettent de multiplier le rapport par 10) ; et d’autre part, même si cela n’a pas été détaillé lors de la conférence, un retour à cette logique d’offre qui avait si bien réussi entre 1997 et 2009 (plus de courses, plus de paris, plus de points de vente, plus de rapidité dans le calcul des rapports et dans le paiement des gains, des horaires de prises de paris étendues, plus de publicités, plus de temps d’antenne télévisée – plus de tout ! ) – une politique de dumping que Philippe Germond a poursuivie avec succès lors de sa présidence.
Le « massacre » Méheut-Linette tient d’ailleurs beaucoup au fait de ne pas avoir compris que le chiffre d’affaires du PMU est littéralement une boule de neige qui grossit en dévalant la pente ; un parieur joue 2 € ; s’il touche, même une somme minime, il rejouera très probablement 2 €. Et à la troisième fois, il aura produit 6 € de chiffre d’affaires taxé au profit de la filière, alors même qu’il n’a jamais eu que 2 € en poche ! C’est une nouvelle version de La laitière et le pot au lait, dans laquelle Perrette ne casserait pas sa cruche et finirait avec veau, vache, cochon et couvée. Ô miracle du mutuel, merci monsieur Oller !
De plus, quand vous augmentez le nombre de courses et que vous réduisez le temps entre deux courses, vous donnez de la vitesse à la boule de neige : le parieur mise 2 € à 14 h 25 et touche 3 € à 14 h 29 ; il rejoue 2 € à 14 h 36 (sur un autre hippodrome) et touche 5 € à 14 h 40 ; et rejoue encore 2 € à 14 h 45 pour toucher – ou pas – ses gains à 14 h 51. En vingt minutes, il a joué trois courses et 6 €. S’il n’y avait qu’une seule réunion de courses, il aurait fallu attendre une heure pour lui faire jouer les mêmes 6 € sur trois courses. La performance commerciale eût été trois fois moins rapide… et surtout beaucoup plus aléatoire puisque les parieurs restent de moins en moins longtemps en points de vente.
Ce retour aux fondamentaux annoncé par le PMU mardi est, j’en suis certain, le bon choix et va porter ses fruits.
Mais cela ne suffira pas si l’on veut un jour repasser devant la FDJ. Car repasser devant la FDJ doit être l’objectif obsessionnel du PMU dans les années à venir ! Et cela n’a rien d’impossible. À condition, notamment, de réinvestir fortement dans le pari sportif. Et à condition, parallèlement, de réinventer le pari hippique – ce qui, à date, n’a pas été fait malgré quelques modestes tentatives sans grande ambition ni grands moyens comme La Question du Jour.
Il nous faut même, sans doute, réinventer l’hippique tout court : nous, acteurs des courses, et France Galop qui les organise, devons nous poser les bonnes questions. Nous nous demandons par exemple pourquoi – injustice ! – Netflix n’a pas encore consacré une série documentaire à notre si beau sport. Allez jeter un œil à la série Quarterback ; vous allez vite en arriver à la même conclusion que moi. Dans son habillage global (qui va de la tenue des acteurs à leur manière de parler devant un micro, en passant par l’ambiance des stades, par le fait que tout – à commencer par les coulisses et tous les moments off – est filmé), notre sport n’est pas « assez ». Pas assez spectaculaire ; pas assez digital ; pas assez médiatique ; pas assez leader ; pas assez moderne. Vous pouvez aujourd’hui sortir le carnet de chèques pour « obliger » Netflix à nous consacrer une série, il ne se passera rien. Si nous voulons briller un jour sur Netflix, nous devons d’abord rehausser tous nos codes.
Jean-Luc Lagardère, après avoir imposé Bertrand Bélinguier à la tête du PMU (au nez et à la barbe des Inspecteurs des finances qui venaient y pantoufler), lui a donné une feuille de route simple : « Ne vous fixez aucune limite et faites des miracles » (ce ne sont pas ses mots exacts, mais c’est l’esprit).
Si j’étais au Comité le 12 décembre et que je votais pour le futur président de France Galop, je choisirais le candidat qui me promettrait de donner la même instruction à Emmanuelle Malecaze-Doublet : no limit and miracles. Elle en est capable, elle a une bonne équipe, mais primo je mets ma main à couper que personne, au sein de l’Institution, n’a eu en tête de viser les 20 milliards de chiffre d’affaires, puisque la politique quasi unique de ces dernières années était de chasser les coûts partout ; et secundo pour qu’elle atteigne son objectif, il faut que le produit courses évolue lui aussi, car les courses et le pari sont un ensemble indivisible… N’est-ce pas là , d’ailleurs, le sens de l’immeuble commun du boulevard périphérique ?