Continuous face à l’Histoire
Il y a encore quelques semaines, si nous vous avions dit que Coolmore ferait forfait l’ensemble de ses engagés dans le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe, pour finalement supplémenter un poulain au suffixe « JPN » par Heart’s Cry, gagnant auparavant du St Leger de Doncaster – le tombeau pour l’Arc – et, qui plus est à quinze jours, nous auriez-vous crus ? Probablement pas, et pourtant…
Par Anne-Louise Échevin
ale@jourdegalop.com
Un pari audacieux
Le score des lauréats du St Leger de Doncaster (Gr1) dans l’Arc est un affreux 0 sur 23. Le plus vieux classique du monde est désigné comme un « tombeau en vue de l’Arc » et ce n’est pas le crack Nijinsky (Northern Dancer) qui prétendra le contraire, lui qui a connu sa première défaite dans l’Arc… Pour relever encore plus ce challenge, le St Leger se trouve cette année à quinze jours – seulement – du Gr1 de Longchamp. Le pari est audacieux pour ne pas dire « gonflé ». Dimanche, Continuous va tenter de renverser l’Histoire hippique. Aidan O’Brien, son entraîneur, analyse : « Chaque cheval est différent. Évidemment, j’aurais préféré qu’il y ait trois ou quatre semaines entre Doncaster et Longchamp. Le poulain paraît en bonne forme et nous y allons avec espoir. Il nous paraît assez dur et en forme pour relever le challenge. De plus, il a eu du temps auparavant entre ses courses… »
Il arrive à maturité
En 2023, Aidan O’Brien avait engagé neuf éléments dans le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe. C’était plus qu’en 2022, où il n’en avait inscrit que quatre, mais moins qu’en 2020 (13). Aidan O’Brien explique : « Continuous n’avait couru que deux fois à 2ans. De façon générale, je dirais que nous n’avons engagé dans l’Arc que les profils qui étaient les plus évidents, car cela a un coût. C’est désormais la stratégie des « lads » envers cette course, tout en gardant en tête la possibilité de supplémenter si l’occasion se présente. » Une stratégie plus connue jusque-là chez… Godolphin !
La possibilité de supplémenter Continuous ne date pas du St Leger : « Selon moi, la meilleure performance de sa carrière a eu lieu à York dans les Great Voltigeur Stakes (Gr2). Avec ses propriétaires, nous avons donc eu en tête de le courir dans l’Arc s’il réalisait une belle performance dans le St Leger et s’il revenait bien de cette course. Il est en pleine forme, toutes les personnes qui s’en occupent sont satisfaites de lui. Il n’a fait que deux galops légers depuis. Il est facile, s’adapte à tous les terrains, suit aisément dans un parcours et a gagné en maturité. Après sa victoire dans le Thomas Bryon l’an dernier, nous avions pensé qu’il était beaucoup mieux en terrain bien assoupli mais il nous a prouvé le contraire cette année. Nous avons mis de côté sa tentative dans le Jockey Club, où il a tenté de suivre Big Rock qui est allé très vite. Cela ne compte pas. Ensuite, à Ascot, il avait couru proprement dans les King Edward VII Stakes (Gr2) sur 2.400m, mais il n’y avait pas beaucoup d’enseignements à tirer de cette course qui n’a pas été rythmée. Puis il a été excellent à York, où il a dévoilé son réel potentiel. »
De Coolmore et du Japon
Avec une jumenterie saturée du sang de Galileo, Sadler’s Wells et Danehill, Coolmore a dû chercher des options ailleurs. Ce peut être par l’achat d’étalons outcross (on pense à Wootton Bassett) ou en voyageant. Avec la deuxième option, cela a conduit les Irlandais à envoyer de grandes juments et/ou poulinières du côté de Shadai, pour rencontrer Deep Impact (Sunday Silence). Cela a donné les classiques Saxon Warrior, Snowfall et, cette année, Auguste Rodin, lauréat des Derby d’Epsom et d’Irlande ainsi que des Irish Champion Stakes (Grs1). Fluff, la mère de Continuous, avait rencontré deux fois Deep Impact avant d’être présenté à Heart’s Cry en 2019. Choix volontaire ? Difficile à dire mais Fluff a pouliné le 21 mars 2019 selon le stud-book japonais et, à cette date, Deep Impact avait en tout cas arrêté sa saison de monte suite à une importante blessure. Voilà donc Continuous…
Mais qui est son éleveur ? France Galop indique Paca Paca Farm, le haras (japonais) de l’Irlandais Harry Sweeney. Le stud-book japonais indique de son côté le célèbre « Orpendale, Chelston & Wynatt ». La confusion vient certainement du fait qu’au Japon, on transmet souvent comme éleveur le nom du haras où le poulain est né. Continuous est bien japonais de naissance mais irlandais dans l’âme comme dans le cÅ“ur !
Ses autres partants du week-end
Emily Dickinson (Dubawi et Chicquita) a finalement disparu de la liste de l’Arc et du Royallieu (Grs1) : « Elle va courir le Cadran et est en belle forme. Sa performance dans la Gold Cup d’Ascot était bonne et l’état du terrain devrait lui plaire. » Dans le Royallieu, le maître de Ballydoyle compte sur Library (Galileo), troisième des Irish Oaks (Gr1) et deuxième au mois d’août des Give Thanks Stakes (Gr3, 2.400m) : « L’allongement de la distance devrait lui convenir, un terrain bon souple aussi et, s’il est bon, ce sera encore mieux ! » Opera Singer (Justify) est la seule restante engagée dans le Qatar Prix Marcel Boussac (Gr1), gagnante par plus de six longueurs de son Gr3 sur le mile du Curragh au mois d’août : « Elle a été très impressionnante et nous sommes très contents d’elle. » Dans le Lagardère (Gr1), l’entraîneur a laissé quatre poulains mais la liste va se réduire : « Unquestionable, fils de Wootton Bassett, sera au départ. Il n’a jamais couru sur aussi long mais tout laisse penser qu’il va apprécier les 1.400m. Nous pourrions aussi courir Henry Adams (No Nay Never), qui a remporté son Gr3 en juillet après s’être imposé pour ses débuts, mais cela n’est pas confirmé pour le moment. Enfin, dans l’Opéra, Jackie Oh devrait être au départ, en espérant que la piste ne soit pas trop rapide. »