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jeudi 26 décembre 2024

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COMMENT JEAN-PIERRE DUBOIS S’EST IMPOSÉ AU GALOP

LE MAGAZINE

COMMENT JEAN-PIERRE DUBOIS S’EST IMPOSÉ AU GALOP

Nous vous proposons depuis hier un voyage « au pays de Jean-Pierre Dubois », qui a vécu un week-end de folie entre la France (Moulin de Longchamp) et les États-Unis (Flower Bowl Stakes à Saratoga) [Épisode 2 sur 2] 

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

Après la victoire de Sauterne (Kingman), dont il est l’éleveur et le propriétaire, dans le Prix du Moulin de Longchamp (Gr1), Jean-Pierre Dubois a pris plaisir à jouer son meilleur rôle en déclarant à l’assistance : « Cette victoire représente énormément de plaisir. Ce n’est pas simple de gagner un Gr1 pour des petits fermiers comme nous (rires). » Treize fois tête de liste des éleveurs de trotteurs en France, il a les reins assez « solides » pour racheter Sauterne à 1,2 million de livres (London Sale 2022 chez Goffs UK) ou Purplepay (Zarak) pour 1,35 million d’euros (Auctav, vente flash de novembre 2021) !

Investir, partout, tout le temps

Légende vivante chez les trotteurs, Jean-Pierre Dubois est donc très souvent à contre-courant de ceux qui voudraient faire du « trot » un modèle de vertu sportive face à un galop « dévoyé » par le commerce. Alors que la tradition – au trot – était souvent de garder à tout prix un bon cheval « dans la famille », il n’a jamais hésité à vendre lorsqu’on lui proposait une somme suffisante. Ainsi, sa force est d’avoir toujours été capable de faire venir de nouveaux investisseurs dans son sillage. Sa puissance financière a grandement été abondée par la vente des saillies de ses étalons trotteurs de premier plan, dont Love You (Coktail Jet) qui était monté jusqu’à 35.000 €. De même, il a toujours investi dans les étalons au galop, étant par exemple porteur de parts majeur de leaders comme Martaline (Linamix) ou No Risk at All (My Risk). Ces deux sires sont stationnés à Montaigu, un haras dont Jean-Pierre Dubois est voisin et client. Il faut dire qu’étant souvent considéré comme le plus grand propriétaire terrien de l’Orne, il est chez lui dans beaucoup d’endroits… et donc voisin de pas mal de monde ! Ses liens avec Montaigu sont donc anciens. Et c’est d’ailleurs ce haras qui avait présenté Sauterne aux ventes de yearling. Et c’est également chez Montaigu qu’il a acheté – par l’intermédiaire d’Hubert Guy – une certaine Ask for the Moon (Dr Fong), future lauréate du Prix Saint-Alary (Gr1) ! C’est aussi avec Hubert Guy qu’il a été associé sur Onesto (Frankel) dont il a revendu – avec bénéfice – sa part avant le Grand Prix de Paris (Gr1). Cette année, ses cinq yearlings présentés par le haras des Capucines en août se sont vendus pour un total de 699.000 €. Soit à peu près deux fois le cumul des prix de saillies. Jean-Pierre Dubois va chercher « la marge » où elle se trouve. Cela peut passer par des prises de participations importantes dans l’agence de vente Auctav ou encore dans l’étalon Muhaarar (Oasis Dream), qui officiera l’an prochain au Petit Tellier….

Le galop, un retour aux sources

En 1978, Jean-Pierre Dubois est revenu au galop. Et comme il l’a confié à Province Courses, c’était en quelque sorte un retour aux sources : « Dans les pas de mon grand-père, Joseph, mon père avait, à l’origine, des pur-sang et des demi-sang de galop. Les trotteurs ne sont venus qu’après. Il faisait du commerce, achetant et revendant toutes sortes de chevaux. Il élevait, aussi, et a vite compris que les meilleurs étalons, tout comme les meilleures terres, se trouvaient en Normandie où nous n’avons pas tardé à émigrer… » Personne ne sait vraiment combien de chevaux possède Jean-Pierre Dubois, lui qui a élevé sous différents noms et entités en Italie, en Amérique du Nord, en France… En 2004, interrogé par Jacques Pauc sur la dimension internationale de son activité, il confiait : « On regarde oui… On essaye, mais ce n’est pas facile. En Australie, j’ai envoyé quatre ou cinq juments pour qu’elles soient saillies par de bons étalons de Coolmore et d’ailleurs. Le prix de saillie est deux ou trois fois moins cher qu’en Europe. Et puis, l’Australie est un pays qui est tellement beau. Cela ne rapporte pas beaucoup, mais c’est beau. » Inimitable !

Pas de frontière, pas de barrière

Il faut dire que lorsque Jean-Pierre Dubois vend un cheval, il a tendance à en racheter rapidement un autre. À l’âge où beaucoup profitent de leur retraite, il continue à driver en course et à battre la campagne pour « pinhooker » des sauteurs. Et en août 2022, il a par exemple présenté chez Auctav un lot mêlant achats et élèves en déclarant : « Je vends l’intégralité de mon effectif d’obstacle chez les 2ans. J’ai envie d’alléger un peu ma charge de travail. Je veux avoir moins de chevaux pour mieux travailler avec ceux qu’il me reste. » Quelques semaines plus tard, ASM Bloodstock, c’est-à-dire Alexandra Saint-Martin, signait chez BBAG le bon de 160.000 € pour une pouliche issue de la première génération du gagnant d’Arc Waldgeist (Galileo), en déclarant : « On trouve chez elle deux des plus belles souches de l’élevage allemand, celle de Wurftaube (Acatenango) et celle de Britannia (Tarim). Je l’ai achetée pour un propriétaire et éleveur français qui souhaite garder l’anonymat. L’objectif est de la faire courir, de la valoriser et de la garder comme poulinière. Elle viendra passer un peu de vacances en France avant de partir à l’entraînement chez Andreas Wöhler. » Désormais âgée de 2ans, cette pouliche a couru sous les couleurs de Jean-Pierre Dubois ! C’est le même Andreas Wöhler qui avait entraîné Soignée (Dashing Blade), mère de Stracelita (Monsun) et deuxième mère de Sauterne, ou, plus récemment, Parnac (Zarak). La Breeders’ Cup Filly and Mare Turf (Gr1) est à présent l’une des options envisagées par Christophe Clément, le nouvel entraîneur de Parnac. La pouliche, sur laquelle Jean-Pierre Dubois est encore associé, est partie aux États-Unis par l’intermédiaire de Nicolas Bertran de Balanda…

La force d’un clan

Autour du patriarche, la famille a pris une importance considérable sur la scène hippique. Chacun a fait sa route au trot et au galop, parfois en solitaire, souvent en association. À commencer par ses fils, Jean-Étienne et Jean-Philippe, puis par ses petits-fils, Julien Dubois, Jean Baudron, Louis Baudron et Étienne Dubois. Le 14 mai à Chantilly, alors que Sauterne se classait troisième de la Poule, Elusive Princess (Martinborough) terminait deuxième du Prix Saint-Alary (Gr1). Vendue aux États-Unis par l’intermédiaire d’Hubert Guy, Elusive Princess a gagné les Saratoga Oaks Invitational Stakes (Gr3) en pouliche de Gr1. Elle a été élevée et entraînée par Jean-Philippe Dubois qui a déniché le père, Martinborough (Sunday Silence), au Japon. L’esprit d’entreprise et l’amour du voyage semblent passer de génération en génération ! Onesto, dont Jean-Étienne Dubois est copropriétaire, va courir les Irish Champion Stakes (Gr1) samedi au Curragh. Jean-Pierre Dubois et son petit-fils Louis Baudron ont fait un « sacré coup » en montant une association pour ramener Triple Threat (Monsun) des États-Unis – encore l’attrait du sang allemand ! – où il terminait péniblement sa carrière sportive en 2016 (cinq sorties au niveau Groupe, zéro place). Avec leurs juments et en entraînant leur production, les Dubois ont pris le risque d’essayer de sortir l’étalon qui a rapidement donné de bons sauteurs. Sur la foi des bons résultats de ses premières générations sur les obstacles, Triple Threat est parti en Irlande par l’intermédiaire de John Dawn et Nicolas Bertran de Balanda. ​​​​​​Lorsqu’il était passé de forme à l’âge de 6ans aux États-Unis,​​​​ on peut imaginer qu’il n’avait pas coûté une fortune en tant que prospect étalon, même s’il avait montré de la classe en Europe trois ans auparavant (lauréat du Prix Eugène Adam, Gr2). Ger O’Neill, membre du syndicat qui l’a acheté, nous a confié au mois de juillet : « Certes, nous avons mis beaucoup d’argent sur la table pour acheter Triple Threat mais, à notre sens, il a tout pour devenir un grand étalon. » Avec le temps, on oublie ceux qui n’ont pas réussi au haras. Mais sur ce coup-là, les Dubois ont donné une leçon de commerce aux Irlandais qui ont pourtant une certaine expérience en la matière !

Les sauteurs, pour se distraire !

Au sujet du crack Kotkijet (Cadoudal) qu’il a déniché et formé, il confiait en 2004 à Jacques Pauc : « Avec Kotkijet, ce n’était pas dur, il sautait tout seul… Daniel Wildenstein voulait, pour rigoler, car il était un peu provocateur, que son entraîneur de trot soit capable de gagner une course à Auteuil pour lui. » Et dans la même interview, il annonce au sujet de la championne au trot Bahama (Quito de Talonay) : « Elle sautait toujours en liberté le matin des courses. Bahama était hypernerveuse et cela la détendait […] Moi je fais cela pour m’amuser, mais je ne me sens pas trop qualifié pour en parler. J’avais rencontré Domingo Perea, qui entraînait au galop et au trot, voilà longtemps. Je l’aimais bien. Je lui avais vendu un cheval et il l’avait transformé. C’était un trotteur qui s’appelait L’Orpyl. Il le faisait sauter lui-même le parcours de haies à Cagnes ! » En 2005, Christophe Donner réalisait un documentaire assez hors norme, Gobernador : journal intime d’un triomphe, avec Pierre-Désiré Allaire et Jean-Pierre Dubois au sommet de leur art. On y voit Jean-Pierre Dubois travailler jour et nuit, comme il l’a fait toute sa vie. Et lorsque Christophe Donner lui demande pourquoi, avec un tel rythme de stakhanoviste, il se rajoute encore du travail en dressant des sauteurs, Dubois répond avec une gouaille exceptionnelle : « C’est une distraction. Comme ça on reste avec les chevaux, au lieu d’aller au théâtre… On se ferait chier au théatre ! Alors que là on s’amuse bien, on est heureux. » Michel Audiard, sors de ce corps !

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