••• Édouard de Rothschild…
Un départ et trois questions
Le retrait d’Édouard de Rothschild suscite trois questions : pourquoi ce choix de sa part ? À qui profite ce retrait ? Et y aura-t-il une autre candidature « rothschildienne » ?
Mayeul Caire
mc@jourdegalop.com
Il faudrait être dans sa tête pour savoir ce qui a finalement décidé Édouard de Rothschild à ne pas se représenter. La décision semble abrupte mais elle a été mûrie tout au long de l’été. Et l’on peut penser, si l’on veut mettre un peu d’affect dans l’enchaînement des faits, que l’émouvant podium du Prix Rothschild aura été particulier. Ce jour-là , toutes les planètes se sont alignées – victoire de la casaque familiale dans le prix éponyme, alors que le pari était loin d’être gagné d’avance et que l’écurie venait de connaître une longue disette – jusqu’à cette « super lune bleue »* (i.e. un événement rare) qu’a constituée la remise du trophée qui porte le nom d’Édouard par son fils Louis, lorsque le programme indiquait que la coupe serait remise au propriétaire gagnant par le président de France Galop ! Comment vivre quelque chose de plus fort quand on aime les courses, comme Édouard de Rothschild les aime ? Si vous êtes sensibles aux signes, reconnaissez que l’on pouvait y lire quelque chose de l’ordre de la passation de témoin ou d’une page qui se tourne positivement. Un événement comme celui-ci, surtout lorsqu’il est fortuit (Mqse de Sévigné tentait un pari sur la distance), est si fort émotionnellement qu’il peut sonner comme un indépassable apogée.
À qui profite ce retrait ?
Si l’on en revient à la stricte politique, ce départ suscite plusieurs questions. La première, que chacun est susceptible de se poser, est évidemment : à qui profite ce retrait ? Et, nécessaire corollaire : à qui il ne profite pas ?
À mon sens, l’homme le plus fortement impacté par le retrait d’Édouard de Rothschild est Jean d’Indy – qui y a tout gagné ou tout perdu. Considérons le côté négatif : dans un duel entre Édouard de Rothschild et Guillaume de Saint-Seine, deux favoris au coude à coude, sa position de troisième homme était assez idéale. Je ne dis pas que c’est pour cela qu’il s’est présenté. Il a un message et une ambition pour le galop qui lui sont propres et originaux.
Mais tout de même, en cas d’égalité (plus ou moins) au premier tour entre les deux acteurs principaux de l’élection, les voix de Jean d’Indy auraient valu de l’or, le transformant en faiseur de roi ! Toujours du côté négatif : s’il se retrouve seul face à Guillaume de Saint-Seine, il risque d’avoir définitivement perdu l’élection et n’aura rien à monnayer à l’issue du tête à tête.
Cela étant (lire paragraphe suivant), considérons à présent le côté positif pour lui : si un candidat « rothschildien » venait à suppléer Édouard de Rothschild, non seulement Jean d’Indy conserverait sa position de faiseur de roi… mais il pourrait même espérer mieux. Rothschild était un « monstre » politiquement (il l’a prouvé en étant élu quatre fois) ; libéré de son poids dans les urnes, Jean d’Indy a le droit de penser qu’il ferait un crédible dauphin de Guillaume de Saint-Seine dans un match à trois. Et là , c’est lui qui pourrait négocier ses voix avec le troisième larron pour – une première dans sa vie politique – viser la présidence !
Enfin, à très court terme, le grand gagnant du retrait est bien sûr Guillaume de Saint-Seine. Mais attention ! Cela veut dire qu’il va susciter beaucoup plus d’attentes. On veut tous lire un programme. L’avantage pour lui à présent, c’est qu’il va pouvoir s’inscrire dans une forme de continuité en apportant des nouveautés par touches (c’est nettement plus intéressant que de ferrailler dans de la pure politique pour gagner les voix à gauche et à droite, en s’obligeant à promettre et à se poser en rupture). Cela va aussi lui donner une plus grande liberté – y compris vis à vis de ceux qui vont le soutenir. Or c’est important, pour un dirigeant, d’être libre. C’est assurément quand il a été le plus libre qu’Édouard de Rothschild a été le plus brillant.
Y aura-t-il une autre candidature « rothschildienne » ?
Ce n’est que mon avis personnel. Mais je pense que oui, il y aura une candidature dite « rothschildienne ». Ce que j’entends par là , c’est la candidature d’un homme pour qui une candidature était interdite à date, du fait de celle d’Édouard de Rothschild. À présent libéré par son roi, le grand seigneur féodal peut faire valoir ses droits. On peut compter au moins trois personnalités importantes du galop français ayant ce profil (par ordre alphabétique) : Jacques Détré, Frédéric Landon et Arnaud de Seyssel. Il faudra leur poser la question dans les jours qui viennent, mais je pense qu’ils peuvent avoir à la fois le niveau et l’ambition d’un tel pari. Le reste est une question de soutiens. Il faut savoir compter ses voix rapidement pour se lancer suffisamment tôt (car les candidatures tardives sont le plus souvent un échec).
Et la candidature sociopro ? Il semble qu’elle ne viendra pas de Philippe Germond, comme nous l’avions pensé un temps (il répond catégoriquement en pages suivantes).
*Une super lune bleue a lieu à 1 h 35 dans la nuit de jeudi à vendredi.
Nous aurons l’occasion, après le prochain Comité, de revenir sur le bilan des présidences Rothschild.
Édouard de Rothschild : « Merci à tous pour ces merveilleuses années ! »Â
« Après y avoir beaucoup réfléchi cet été, j’ai décidé de ne pas me représenter à la présidence de France Galop au terme du mandat actuel. J’ai eu l’honneur de présider la société-mère des courses au galop pendant seize ans (2003-2011 et 2015-2023). J’aimerais à présent pouvoir donner plus de temps à ma famille et me consacrer à d’autres challenges, en particulier au sein de la banque Rothschild et dans mon élevage de pur-sang.
Pour avoir déjà mené cinq fois un combat électoral à la présidence de France Galop, c’est un exercice que je ne crains pas mais je suis convaincu qu’il est temps pour d’autres de revisiter la fonction avec une vision complémentaire de la mienne. À cet égard, je me réjouis des candidatures déjà annoncées et de celles qui pourraient éventuellement naître. Je resterai un acteur attentif du galop français, membre du Comité de France Galop, toujours disponible pour servir quand mon expérience pourra être utile.
Lorsque je quitterai la présidence en décembre, il sera temps de dresser un bilan. Mais je veux d’ores et déjà vous remercier pour la confiance que vous m’avez accordée et vous dire à quel point j’ai été heureux de servir l’Institution. Je suis fier d’avoir réussi – grâce à votre soutien et à celui des équipes de France Galop et de nos partenaires – à moderniser nos courses dans le respect de leur tradition. Si je ne devais évoquer que quelques actions emblématiques, outre un solide bilan économique, je citerais le changement de distance du Prix du Jockey Club (2005), l’ouverture des courses au plus haut niveau pour les femmes jockeys (2017) – la France ayant été le premier pays à mettre en œuvre cette démarche –, la réunion des grandes entités de la filière Courses dans un immeuble commun (2023), le nouveau Longchamp (2018)… Et de manière plus générale, je suis très heureux d’avoir toujours agi dans l’intérêt général et pour le bien commun sans n’avoir jamais, vous qui avez été les témoins directs de mes actes, favorisé un acteur au profit d’un autre pour quelque raison que ce soit : sociale, sportive ou géographique. »