Le Cadran continue sa montée en puissance

C’est dans son pick-up cabossé, qui lui sert à faire le tour de ses herbages, que Pierre Talvard est vraiment heureux. S’il vous invite au haras du Cadran, qu’il a créé il y a maintenant quatre décennies, vous aurez peut-être la chance qu’il vous fasse découvrir les différentes annexes qu’il a acquises et bâties au fil du temps. Le Cadran, c’est désormais 400 ha, et pas loin de 100 juments et leur descendance. Drôle de parcours pour celui qui a commencé avec presque rien, si ce n’est son courage et une capacité de travail peu commune.

Le Cadran, c’est aussi une marque : des chevaux solides, qui vont aux courses, et des yearlings toujours magnifiques. « Chez moi, les yearlings rentrent tous les soirs l’hiver, avant de commencer la préparation aux ventes. Cela permet d’individualiser leur ration, de les faire manger au calme sans se chamailler, et de beaucoup les manipuler… Bien sûr, cela demande du personnel et j’emploie une quinzaine de salariés. Mais je pense que cela contribue grandement à leur développement. Au moment de leur préparation, les femelles continuent à aller au paddock par petits lots, alors que les mâles y vont seuls, pour éviter les coups. Ils travaillent en liberté dans le manège et marchent en main : ni marcheur, ni longe que je trouve trop exigeante pour leurs articulations. Et toujours une alimentation individualisée, réévaluée en permanence selon leur évolution ! »

Pierre Talvard n’aime pas le clinquant : les installations sont fonctionnelles, mais pas show off. L’argent au Cadran, on l’investit dans la terre, les juments et les saillies ! Le lot 2023 pour la vente d’août est une bonne illustration de la stratégie Talvard. Si tous les yearlings sont nés et élevés sur place, beaucoup sont détenus avec des clients fidèles du Cadran. Le lot 273 est issu de la dernière année de monte de Le Havre (Noverre). Pierre Talvard s’était associé avec l’écurie Mélanie pour acheter la mère, Let’s Misbehave (Montjeu), moyennant 260.000 € à la vente d’élevage Arqana en décembre 2018. La jument était alors pleine de War Front (Danzig). « C’était beaucoup d’argent pour une jument n’ayant jamais couru, à terme tard, et sans mon associé, je ne l’aurais pas achetée… et j’aurais eu tort ! C’était une sœur de High Chaparral, très en vogue en Australie à l’époque. Sippinsoda, son premier produit pour nous, est née tard, fin mai. Après une carrière de course au cours de laquelle elle a remporté le Prix Occitanie (L) et s’est classée deuxième du Prix Chloé (Gr3), elle est revenue à la maison pour y être poulinière. Elle est pleine de Siyouni. L’an dernier, le yearling de Let’s Misbehave par Almanzor a été acheté 110.000 € par Jean-Claude Rouget, qui l’aime bien. Comme nous avons gardé la fille, nous avons choisi de vendre la jument en décembre dernier, alors qu’elle était pleine de Siyouni… » Michael Donohoe de BBA Irlande a mis 920.000 € pour l’emporter : un investissement au final gagnant pour le Cadran !

Le lot 75, une femelle, a une histoire tout autre. Fille de Zelzal (Sea the Stars), c’est la sœur de La Parisienne (Zarak). Skysweeper (Hurricane Run), la mère, est née au Cadran. Malgré une carrière de courses décevante, elle est revenue au Cadran pour y devenir poulinière, se montrant plus brillante au haras. « Je ne sais vraiment pas pourquoi je l’ai gardée : elle n’était ni belle ni bonne ! Mais elle a déjà donné trois black types. Son 2ans par New Bay est chez Carlos et Yann Lerner. Il est tardif mais il galope. La yearling par Zelzal est vraiment ravissante, très course. Je l’ai élevée en association avec Pascale Ménard et Patrick Klein, que je connais depuis longtemps… » Si Pierre Talvard n’hésite pas à faire voyager ses juments en dehors de France pour aller aux meilleurs étalons européens, il utilise certains étalons français, comme Zelzal, mais aussi Persian King (Kingman) et Hello Youmzain (Kodiac), deux des étalons représentés par leurs premiers yearlings, ainsi que les déjà confirmés Muhaarar (Oasis Dream), Zarak (Dubawi) et Le Havre (Noverre).

Parmi le lot des femelles – peut-être encore plus impressionnant que celui des mâles, le numéro 30 de la vente ne passe pas inaperçu. Fille de la très bien née Qatari Perfection (Dubawi), elle est issue de la première production de Sottsass (Siyouni)… et ressemble à s’y méprendre à son père ! Pierre Talvard a acheté la jument pour 60.000 € en association avec Alain Jathière. Elle était pleine de Le Havre. « C’était moins que la saillie de Le Havre à l’époque… Le fruit de ce croisement a gagné le Prix de la Cascade l’an dernier. Le produit suivant, un mâle de Cracksman, est à l’entraînement en Angleterre, après avoir été vendu 185.000 € l’an dernier. »

Pierre Talvard a aussi fait confiance au jeune Blue Point (Shamardal) pour l’une des juments les mieux nées de son cheptel, Golden Lilas (Galileo), une fille de la classique Grey Lilas (Danehill), achetée 240.000 € en décembre 2020, alors qu’elle était pleine de Lope de Vega. L’investissement – consenti en association avec l’écurie Mélanie et Cheval Invest, un syndicat dirigé par Pascal Adda et Camille Vercken – s’est avéré rentable rapidement, car le produit acheté in utero a été vendu 575.000 € l’an dernier à Godolphin. Le physique de la yearling portant le numérp de lot 228 devrait permettre de continuer la série…

Les yearlings de la vente d’août

Les yearlings de la v.2