Adieu Ready Cash
Mercredi matin, le haras de Bouttemont a annoncé la mort de Ready Cash. Le champion aux deux Prix d’Amérique, devenu chef de race au haras, a succombé à une crise de coliques à l’âge de 18ans.
Précocité, longévité, vitesse, tenue
Ready Cash est né en Mayenne, chez Pierre Tébirent, en 2005. Année bénie du côté des champions : Royal Dream, Roxane Griff, Roc Meslois, Roi du Lupin ou encore Rapide Lebel et, au galop, Zarkava (K) et Goldikova (K). Fils d’Indy de Vive (Viking’s Way) et de Kidea (Extrême Dream), il présente un pedigree “solide” sans pour autant sortir particulièrement du lot, à la fois riche en sang français mais également en sang de standarbred américain (via Workaholic et Mickey Viking). L’histoire de Ready Cash est liée au souvenir de sa troisième mère, Océanide (Eole Grandchamp), gagnante à Vincennes, drivée au pied levé par Philippe Allaire. Il conseilla à Pierre Tébirent de la suivre. Impossible de l’acheter mais le souvenir reste. Aux ventes de yearlings de Caen, Pierre Tébirent voit dans le catalogue la présence d’une de ses filles, Docéanide du Lilas (Workaholic). Elle est minuscule mais, malgré cela, il l’achète à l’amiable. La pouliche est entraînée par Philippe Allaire, montre des moyens et de la précocité, se place de semi-classiques. Elle entre tôt au haras et donne notamment Kidea, future mère de Ready Cash, elle aussi assez précoce et bonne.
De la précocité, Ready Cash n’en a pas manqué – et il en a transmis. Il remporte le Critérium des Jeunes (Gr1), le Prix Albert Viel (Gr1) et le Critérium des 3ans (Gr1). Évidemment, le chef-d’œuvre de Ready Cash sera ses deux victoires dans le Prix d’Amérique (Gr1) en 2011 – un duel épique face au champion suédois Maharajah – et 2012. Le champion avait assez de vitesse pour gagner le Prix de France (Gr1, 2011 et 2013) et assez de tenue pour s’imposer dans le Prix de Paris (Gr1, 2013), le marathon de Vincennes. Le palmarès de Ready Cash parle de lui-même : neuf Grs1, 23 Grs2. Au-delà de cette carrière exceptionnelle, se cache derrière Ready Cash une histoire d’hommes.
Les hommes de Ready Cash
Ready Cash a débuté sa carrière sous l’entraînement de Philippe Allaire, son copropriétaire. Il arrive à l’utiliser au mieux dans sa jeunesse. Puis le cheval devient compliqué, difficilement gérable en course. Est-ce la monte qui l’a transformé ? Difficile de savoir. Après la disqualification dans le Critérium des 5ans (Gr1), en septembre 2010, Philippe Allaire comprend qu’il n’y arrive plus. Il veut changer le cheval d’environnement et contacte Thierry Duvaldestin, lui demandant s’il veut entraîner le cheval. Un beau cadeau certes mais un cadeau empoisonné pour un jeune entraîneur. Thierry Duvaldestin accepte. Il le drive pour ses premières sorties avant de le confier à Franck Nivard. “Frankie la main froide”, parfait pour gérer ce champion au tempérament bouillant.
Ceux qui ont vu Ready Cash sur un hippodrome ne pouvaient pas rester indifférents. Bai brun foncé, racé, tenant presque du pur-sang dans le physique, le tempérament et cette accélération foudroyante. Sa relation avec Thierry Duvaldestin l’aura marqué, comme s’il lui murmurait à l’oreille. C’est une routine mise en place autour du cheval afin de le décontracter le plus possible. Il rentrait aux écuries après les défilés, pour se remettre dans sa bulle. Il sortait avec un compagnon d’entraînement qui l’emmenait, pour qu’il puisse se canaliser derrière lui. Cette image de Ready Cash posant la tête sur l’épaule de l’entraîneur lors d’un travail sur la plage de Deauville, ce dernier l’entourant de son bras, reste dans les mémoires. Car oui, c’est à Deauville que Ready Cash venait se décontracter en bord de mer ! Un travail d’orfèvre et d’alchimie.
Le Galileo du trot
Les spécialistes de l’élevage au trot ont de nombreuses théories. L’une d’entre elles est que, pour savoir si un champion va devenir un grand reproducteur, il faut qu’il ait été capable de rivaliser avec les meilleurs sans avoir été déferré des quatre. Ready Cash ne l’a été qu’une seule fois, dans le Prix d’Amérique 2010 (disqualifié). Il a principalement couru déferré des postérieurs. Ready Cash fait-il de cette théorie du déferrage une réalité ? À chacun de se faire son propre avis. Toujours est-il que le succès au haras a tout de suite été là . Il devient au trot ce que Galileo était au galop ces dernières années.
Sa première génération, celle des “A”, a été exceptionnelle d’entrée de jeu, avec Axelle Dark et Avila. Sa deuxième promotion, celle des “B”, est exceptionnelle : Bird Parker, Brillantissime et, surtout, Bold Eagle. L’année des “C” est celle de Charly du Noyer, mais aussi de Traders et Readly Express. Il faut aussi souligner la grande génération des “F” avec le crack Face Time Bourbon, Flamme du Goutier, Feliciano ou encore Feeling Cash… Nous pourrions continuer longtemps. Ses fils et filles ont remporté plus de 100 Grs1. Ready Cash avait été syndiqué pour sa carrière d’étalon en 2008, à 37.500○€ la part (90 parts). Il a débuté la monte à 10.000○€ et finira “privé”. On murmure que, à ce moment-là , les saillies pouvaient se négocier jusqu’à 50.000○€ et que l’étalon “course” le plus cher de France était donc un trotteur.
L’héritage de Ready Cash durera encore longtemps, par ses nombreux fils au haras, et les produits de ses filles. La “sensation” du trot actuellement est Jushua Tree, dont Yannick Fouin est l’un des propriétaires, considéré comme un cheval de Prix d’Amérique en puissance, fils de Bold Eagle et donc petit-fils en lignée paternelle de Ready Cash. L’héritage du cheval est aussi le haras de Bouttemont. C’est pour et avec Ready Cash que Philippe Allaire a construit et développé la structure, devenue “Home of Ready Cash and sons”, en 2011. Treize étalons y sont désormais basés.