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lundi 23 décembre 2024

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Zorken, en (double) souvenir d’Indian Rocket

Zorken, en (double) souvenir d’Indian Rocket

Selon Alain Chopard, Zorken est le premier lauréat black type ayant deux fois Indian Rocket dans son pedigree… L’histoire de ce gagnant du Critérium du Bequet – Ventes Osarus (L) sort des sentiers battus

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

Quand on regarde la page de catalogue de Zorken (Goken), on se dit qu’il a forcément été élevé par Guy Pariente (comme son père) ou par Alain Chopard (comme sa mère et ses deux deuxièmes mères). Pourtant, il n’en est rien. C’est en effet, c’est Werner Neumann, Autrichien installé à Nonant-le-Pin, qui en est l’éleveur. Mais Alain Chopard n’est jamais très loin, comme il nous l’a expliqué lundi : « Je l’ai acheté 6.500 € en décembre… pour le revendre 3.500 €. Mais j’avais bien revendu mon autre pinhooking. Mes associés et moi avons donc décidé de le laisser partir. Né assez tard, au mois de mai, il était bien fait mais petit. » L’habile Bruno de Montzey s’est donc offert un futur cheval de Groupe pour 3.500 €. Alain Chopard connaît bien la famille car il l’a « cultivée » sur plusieurs générations : « C’est une bonne souche, mais elle a peut-être moins de précocité que d’autres origines que j’ai au haras.  De mon côté, j’ai aussi fait naître un cheval avec un inbreeding sur mon ancien étalon, Indian Rocket… mais le produit était complètement nul ! »

Indian Rocket, un étalon moins cher qu’un yearling

Tête de liste des pères de 2ans en France, Indian Rocket (Indian Ridge) a vraiment lancé le haras des Faunes. Bien que fils du remarquable Indian Ridge (Ahonoora), il n’avait pas la page de catalogue la plus impressionnante (il n’avait coûté que 36.000 Gns lorsqu’il était yearling). Très bon 2ans, il a gagné quatre courses à cet âge, dont les Mill Reef Stakes (Gr2). Cette nuit, Franco Raimondi a fouillé dans ses archives, et dans le « Racehorses of 1996 » de Timeform, on peut lire : « Indian Rocket est un beau 2ans qui tape à l’Å“il. Et c’est davantage sur son physique que pour sa page de catalogue qu’il a été acheté. À 36.000 Gns, il s’est vendu pour deux fois la médiane des yearlings mâles de son père. Il va assurément s’affirmer en bon sprinter, lui qui a prouvé sa capacité à aller dans le bon terrain comme dans le pénible…  » À 3ans, il s’est classé troisième de la July Cup (Gr1) mais n’a pas complètement répondu aux attentes. Après ses années anglaises, Indian Rocket était allé se « perdre » aux États-Unis à 5ans, pour décrocher quelques places de Groupe. C’est assez tard, à l’âge de 6ans, qu’il a donc débuté à Tally-Ho, où il a sailli pendant quatre saisons pour 4.000 €. Père d’un bon cheval dans sa première génération, il est passé sur le ring de Tattersalls en 2003… et le marteau est tombé à seulement 67.000 Gns ! Ça paraît ridiculement faible pour un étalon, même s’il s’était classé seulement 16e du classement des first crop sires en Europe. Jean-Pierre Deboubaix, qui signait le bon ce jour-là, se souvient : « Nous l’avons acheté pour moins cher que le budget prévu, à l’amiable, après son passage sur le ring. Le contexte était particulier, dans le cadre d’une succession complexe. » Alain Chopard précise : « En Angleterre et en Irlande, les gens tournent très vite la page. S’il n’y a pas dès le départ beaucoup de black types, les éleveurs passent à autre chose. Je voulais absolument Indian Rocket et Maxime Jarlan aussi. Je vivais encore dans un mobil-home à cette époque. Et Jarlan m’avait dit que si je ne m’associais pas avec lui sur ce cheval… il l’enverrait chez quelqu’un d’autre. J’ai donc été voir mon banquier. » 

Les derniers souffles d’une lignée française

Indian Rocket, mort en 2009, était l’un des derniers descendant en lignée mâle du Boussac Djebel (Tourbillon), lui-même un des ultimes continuateurs de Byerley Turk. En France, il reste principalement Brave Mansonnien (Mansonnien) et Captain Chop (Indian Rocket), mais ils saillissent relativement peu. Heureusement, ces sangs restent très présents dans les pedigrees maternels – ils ne sont pas totalement perdus, donc – et on mesure chaque jour un peu plus la valeur de la branche d’Ahonoora (Lorenzaccio), grand-père d’Indian Rocket et issu de la lignée mâle de Djebel. Martin Stevens est le seul journaliste hippique anglais qui connaît par cÅ“ur certains textes de Serge Gainsbourg (entres autres excentricités) et il est certain d’être capable de me battre au golf cet été à Deauville. Ce qui est fort probable, car en matière de manches, j’ai plus affaire à ceux de pioches, balais et fourches qu’à ceux des « clubs ». En attendant, ce « crunch » des journalistes élevage, il est intéressant de relire son « Good Morning Bloodstock » du 7 juin : « Peut-être suis-je victime du phénomène Baader-Meinhof – c’est-à-dire ce biais cognitif qui nous laisse croire que quelque chose se produit plus fréquemment que réellement après l’avoir remarqué pour la première fois –, mais je suis certain d’avoir vu Ahonoora partout récemment. À tel point que c’est devenu une forme d’obsession. Je l’ai revu, encore une fois, dans le pedigree du vainqueur du Derby Auguste Rodin. Mais aussi dans celui de Blue Rose Cen, de Mawj, de Modern Games, de Tahiyra, d’Anmaat, de Jannah Rose, de Romantic Warrior… Au fond je ne suis pas tout à fait surpris par l’ubiquité d’Ahonoora. C’est un étalon de talent, bien que sa lignée paternelle n’ait pas décollé. C’était aussi le père de mère de trois géniteurs influents dans Acclamation, Cape Cross et New Approach, tandis que son meilleur fils étalon Indian Ridge est également devenu un très bon père de poulinières… » Tout est dit !

Encore mieux en père de mère

La réussite d’Indian Rocket avec les 2ans en France est bien connue, mais les chiffres laissent à penser qu’il a été nettement meilleur en père de mère (Average Earning Index de 1,54) qu’en tant que père (average earning index de 0,88). Il a donné trois black types lors de ses années irlandaises et neuf lors de ses six saisons françaises… mais aucun gagnant de Groupe. Par contre, on lui doit la mère de huit lauréats de Groupe, dont Maarek (Prix de l’Abbaye de Longchamp, Gr1) et Sands of Mali (Qipco British Champions Sprint Stakes, Gr1). Le croisement de ses filles avec Kendargent (Kendor) a fait des étincelles : 18 partants et six black types (33 %). Ce fut le cas de Batwan (Prix de Saint-Georges, Gr3), Kendam (Prix Eclipse, Gr3, 3e du Prix de la Forêt, Gr1), Kenhope (Prix de la Grotte, Gr3, 2e des Coronation Stakes et 3e Prix Rothschild, Grs1), Morando (Ormonde Stakes, Cumberland Lodge Stakes & St Simon Stakes, Grs3)… sans oublier Goken (Kendargent), le père de Zorken. Avec 10,4 % de black types depuis ses débuts au haras, le sire du haras de Colleville est dans le quatuor de tête de sa génération en Europe, avec une production qui réussit vraiment bien dans le programme français (10 produits en caractère gras). Les anglo-irlandais aiment bien « dénigrer » le black type d’Europe continentale. Et pourtant, ces dernières semaines prouvent qu’ils ont tort: il n’y a pas de faux black type sur le vieux continent et surtout pas en France. Prenons deux exemples. Indian Wish (The Grey Gatsby), lauréate du Prix de la Californie (L) chez nous, a remporté deux Listeds depuis le début de l’année en Irlande. De même, le « FR » Go Athletico (Goken) vient de se classer deuxième des Sapphire Stakes (Gr2) au Curragh, après avoir remporté une Listed à Cork. C’est à peu de chose près son niveau en France ces dernières saisons (il a gagné au niveau Gr3, mais c’était à 2ans). 

Le grand jour de Werner Neumann

Autrichien installé au château de Cordey – entre Sées et Argentan –, Werner Neumann nous a confié : « Sa deuxième place dans le Prix du Bois (Gr3), c’était déjà quelque chose. Mais sa victoire de Listed à La Teste nous fait rêver. Je n’ose même pas imaginer qu’il puisse courir un Gr1. Le rêve ! Zorken, c’est une grande joie et une grande fierté aussi. J’ai acheté sa mère, Zorra Chope (Bertolini), pour 7.500 €, alors qu’elle était pleine de Goken. J’étais surpris qu’elle suscite aussi peu d’intérêt. Zorken était un beau foal mais je vends tous les mâles. Monsieur Chopard l’a acheté peu cher aux ventes. La jument est suitée de Flintshire (Dansili). Le haras de Montaigu, qui est près de chez nous, va la passer en décembre chez Arqana. La jument est pleine de Wooded (Wootton Bassett). » Les éleveurs autrichiens ne sont pas légion au galop : « J’ai revendu ma clinique vétérinaire et ma ferme près de Vienne – le Gestüt Celtic-Hill – pour m’installer en France. L’idée m’est venue lorsque j’ai gagné une course sponsorisée par Arqana en Autriche. J’ai été invité en France et nous sommes tombés sous le charme de Deauville. C’était en 2010 et j’ai acheté cinq juments à la vente de décembre. Elles sont parties en pension chez Julian Ince, et ce jusqu’en 2019 où nous avons déménagé en France. Avec nos poulinières pur-sang – 70 % de l’effectif –, nous avons quelques juments de dressage et une trotteuse qui était une championne en Autriche. » Werner Neumann est aussi l’éleveur de Do it in Rio (Rio de la Plata), lauréate du Premio Omenoni (L) en Italie.

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