0,00 EUR

Votre panier est vide.

0,00 EUR

Votre panier est vide.

dimanche 22 décembre 2024

AccueilAutres informationsMqse de Sévigné… une histoire de patience et de transmission

Mqse de Sévigné… une histoire de patience et de transmission

Mqse de Sévigné… une histoire de patience et de transmission

Édouard de Rothschild et les siens ont vécu un sacré dimanche à Deauville. Et la victoire fut d’autant plus forte qu’avant Mqse de Sévigné, il fallait remonter à 2017 (The Right Man) et 2016 (Elliptique) pour retrouver des victoires au niveau Gr1 pour des chevaux élevés à Meautry. Voici son histoire et (en partie) celle du haras qui l’a vue naître.

Par Adrien Cugnasse

ac@jourdegalop.com

La journée fut d’autant plus belle pour les Rothschild que Mlle Molière (K) (Kingman) a remporté les Marettes en signant les meilleurs temps partiels de tous les 2ans de la réunion. Sans oublier la troisième place de Measure of Time (Gleneagles) dans le Prix du Carrousel (L). Les belles victoires, c’est comme les emmerdes… ça vole en escadron. Avec un langage plus châtié, Guy de Rothschild n’avait pas dit autre chose en 1990 : « Les résultats d’une écurie viennent en giclée, un peu comme à la roulette. » Après des années de disette, les couleurs Rothschild reviennent au premier plan. À peu près tout ce que l’on peut imaginer influe sur la réussite d’un élevage et d’une casaque. Parfois, ce qu’il faut changer pour améliorer les choses saute aux yeux. Mais le plus souvent, ce n’est pas le cas. Un peu comme pour l’entraînement français qui retrouve des couleurs en 2023 avec 27 victoires sur les 30 Groupes de 3ans et de chevaux d’âge à cette date dans l’Hexagone. Sans parler des podiums 100 % français dans plusieurs Grs1. Édouard de Rothschild réagit : « Il y a des phases, à l’élevage comme à l’entraînement, avec des générations plus ou moins fortes. L’Angleterre a beaucoup plus de chevaux que la France. Mais quand un cheval français est bon il peut gagner de grandes épreuves, en France comme à l’étranger. » À l’échelle d’une nation hippique ou d’un élevage, le nombre est très important. Il ne fait pas tout, mais sans la masse, il est très difficile de briller régulièrement au niveau Groupe. En 2023, le haras de Meautry a eu une quinzaine de foals.

Un paysage hippique totalement différent

Guy de Rothschild fut multiple tête de liste dans les années 1950 à 1970. Mais dans les années 1990, ce n’était plus le cas. Il faut dire qu’à cette époque, le paysage hippique avait bien déjà bien changé et on voyait émerger une tendance qui n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis. Le Baron expliquait alors : « Les chances statistiques de sortir le bon numéro se situent entre vingt et trente naissances. Il y a une analogie avec la loi des séries, et vous avez plusieurs chevaux « de poule », comme on disait auparavant, dans la même promotion, puis vous devez attendre quelque temps avant d’en détenir un seul au­tre, et ainsi de suite. Mon élevage ne produit plus suffisamment aujour­d’hui pour approcher une constante solide face aux émirs du Golfe dans l’obtention de chevaux de Gr1, voire d’un uni­que cheval de Gr1, par an. Il faut savoir se res­treindre et imaginer l’avenir. Certes, la sagesse a ses obligations mais il faut, toujours et encore, élever pour le plaisir bien que faire des gagnants de « poule » demeure le leitmotiv de Meautry à la veille du XXie siècle, qui sera peut-être celui de la démesure. » Ce que Guy de Rothschild laisse entrevoir était tout à fait prémonitoire. Trois décennies plus tard, on se rend compte que les poids lourds de notre univers – de Coolmore à Godolphin en passant par Juddmonte – dominent toujours autant, voire plus encore dans certains. Et même si 2023 ne sera sans doute pas une année record pour ces deux casaques, cela reste une domination. Aidan O’Brien a déjà remporté sept Grs1 européens en 2023. Même si on est loin des 11 succès de 2023 à cette date, cela reste énorme.

Quand l’histoire s’en mêle

Avant l’émergence des superpuissances du galop, le haras de Meautry a dû faire face à plusieurs situations extrêmes. Lors de la deuxième guerre mondiale, les nazis ont mis la main sur les meilleurs chevaux français et notamment sur ceux des Rothschild. L’histoire ne dit pas comment la France a réussi à retrouver tous ces animaux perdus en Allemagne dans la période terrible que fut l’après-guerre. Mais dans tous les cas, ces événements ont considérablement impacté le haras basé aux portes de Deauville. Dans les années 1900, il y avait 200 juments et 15 étalons à Meautry, sur une surface deux fois supérieure. Après la guerre, l’effectif était déjà nettement plus restreint et seulement quelques décennies plus tard, dans les années 1980, la nationalisation de la banque Rothschild par le pouvoir socialiste a aussi eu un impact très négatif sur cet élevage. Malgré tout, Guy de Rothschild avait alors réussi l’exploit d’avoir cinq étalons tête de liste : Crystal Palace (1985), Luthier (1982, 1983, 1984) et Kenmare (1988 et 1989). Et cela avec une vingtaine de juments à peine. Cela paraît totalement improbable dans le contexte actuel de l’étalonnage. Encore une fois, les temps ont changé. Guy de Rothschild avait déclaré en 1990 : « Avidement, il est tentant de faire de l’élevage avec le dessus du panier et à grande échelle. Cela impli­que d’énormes moyens financiers pour obtenir, certes, d’excellents résultats mais au prix d’un incalculable déficit. Nous, Européens, nous avons sans doute une autre approche de l’argent, du patrimoine, des valeurs et de l’héritage des en­fants. Comme résident et faisant courir en France, je suis assujetti à des impôts dont mes concurrents habitant à l’étranger sont exempts. Il est donc dé­licat de rivaliser actuellement avec les princes du Golfe, qui, il faut le souligner, gardent leurs meilleurs étalons en Europe. Je ne vais jamais à des étalons dont les services valent plusieurs centaines de milliers de dollars. Bien sûr, exception faite pour des juments comme Indian Rose – qui visite Polish Precedent à Newmarket – mais cela demeure effectivement exceptionnel. »

De Boussac à Rothschild

Deux souches Boussac ont tracé à Meautry. Celle Lady Berry (Vilion d’Ingres) qui a donné Sèvres Rose (Caerleon), le père de mère de Mqse de Sévigné (Siyouni). Et celle de Cleophis (Crepello), la troisième mère de Mqse de Sévigné. Honnêtement, l’inédite Cleophis n’a pas fait de miracle au haras – un placé de Listed sur sept produits – et sa « page de catalogue » était vraiment faible car sa mère Bellaca (Sicambre) n’avait elle-même pas fait de miracles. Mais Guy de Rothschild, peut-être par sentimentalisme, a décidé de conserver Une Pensée (Kenmare) qui fut essayée sans succès au niveau black type. Lorsque sa fille Penne (Sèvres Rose) a été conçue le « budget saillie » du haras était bien moins important qu’aujourd’hui. Sèvres Rose, inédit faisant la monte sur place, représentait une option peu coûteuse. Penne, deux fois placée de Listed, était une pouliche difficile à l’entraînement, très difficile même et sa proche famille était quasiment vide de caractère gras. Mais elle était black type et méritait de rester au haras. Toujours avec « budget serré », Slickly (Linamix), stationné pour 8.000 € au haras du Logis en 2007, fut son premier croisement. Lorsque Guy de Rothschild nous a quittés au mois de juin 2007, Méandre (Slickly) était déjà in-utero, ayant été conçu à partir d’une saillie du mois d’avril. Très bon cheval de course – mais pas évident comme sa mère –, il a cependant eu besoin de sept courses avant d’ouvrir son palmarès ! Ne cessant de progresser avec l’âge, Méandre a gagné le Grand Prix de Paris, le Grand Prix de Saint-Cloud, le Grosser Preis von Berlin et le Preis von Europa (Grs1).

Des coups durs et des coups d’éclat

Après la disparition du baron Guy, il ne restait plus qu’une poignée de juments à Meautry, dont Penne. À ces quelques poulinières familiales, Édouard de Rothschild a pu rajouter les siennes qui étaient jusqu’alors stationnées au haras de Fresnay-le-Buffard. Une fois aux commandes, Alexandre et Édouard de Rothschild ont réinvesti dans le haras… et dans des saillies d’une gamme supérieure. C’est la raison pour laquelle Penne a pu aller à Frankel (Galileo) ou encore à Invincible Spirit (Green Desert). Les produits de ces top-étalons n’ont pas réussi en piste et cela aurait été problématique pour un élevage commercial. Mais pas pour un éleveur propriétaire. En 2018, lorsque Penne est allée à la rencontre de Siyouni (Pivotal), il officiait à 75.000 €, soit la moitié de son tarif actuel. Parfois, il faut savoir faire les choses simplement : l’étalon produisait bien et il était en Normandie (parfait pour une jument à la fertilité inconstante). Dans ce croisement réussi, pas d’affinité particulière ou de nick audacieux, mais plutôt du bon sens. Édouard de Rothschild se souvient : « La conformation était très complémentaire et il s’agissait de ramener un peu vitesse sur une mère – Penne – qui produisait surtout des chevaux de distance. » Au sujet des efforts qualitatifs qui ont été entrepris, il poursuit : « Il faut essayer de produire de la qualité plutôt que de la quantité. J’ai à la fois beaucoup de juments… et assez peu si l’on compare aux grandes opérations internationales. » De la patience, il en fallait donc pour attendre que Penne redonne un bon cheval. Mais aussi pour que le casaque revienne en forme : « Cela fonctionne si l’on s’inscrit dans la durée. Avec les chevaux, il faut de la patience et de la persévérance. » Parmi les investissements très importants d’Édouard de Rothschild, il y a Altruiste (Diesis), une sœur d’Urban Sea (Miswaki), acquise 9 millions de francs lorsqu’elle était yearling. Coup dur, elle n’a jamais couru. Mais la patience a (encore une fois) payé car elle est l’aïeule d’une dizaine de black types (en association avec Lady O’Reilly). Mlle Moliere sera peut-être le 11e !

Le cas Sèvres Rose

À l’âge de 30ans, Sèvres Rose est encore dans les paddocks de Meautry. Avec le recul, on peut se demander pourquoi Guy de Rothschild a fait le choix de faire saillir cet inédit avec des problèmes de jambes. Son fils détaille : « Le cheval était extrêmement bien né. Mon père aimait beaucoup le cheval. Il le trouvait très esthétique. C’était la fin de sa vie et il avait envie d’essayer ce cheval au haras. Parfois, il faisait des excentricités en ce qui concerne l’élevage. Parfois cela paye, mais pas toujours. Les excentricités, en matière d’élevage, c’est un luxe. Notre chance, c’est que sa petite-fille Mqse de Sévigné est un outcross complet. Ce sera une chance pour le jour où elle ira au haras. » Les inédits comme Sèvres Rose réussissent rarement au haras car tout le monde a envie de voir en piste un futur étalon prouver son courage et sa solidité. Avec le recul, on se rend compte que Sèvres Rose a un bilan remarquable en tant que père de mère (average earning index de 2,19) : 22 filles au haras d’où 54 partants, 32 gagnants et quatre lauréats de stakes ! Penne en a donné deux. L’élève de François Bayrou et gagnante du Prix de la Nonette Viane Rose (Sèvres Rose) est responsable des deux autres (au Japon).

Article précédent
Article suivant
VOUS AIMEREZ AUSSI

Les plus populaires