2.000 Guinées allemandes
Duc de Morny veut offrir un classique à  Jocelyn Targett
Le 29 mai, Duc de Morny va tenter sa chance dans le Mehl-Mülhens-Rennen. Les bookmakers allemands le proposent à 10/1. Son éleveur et propriétaire, Jocelyn Targett, nous a ouvert les coulisses de cette tentative classique.
Par Adrien Cugnasse
ac@jourdegalop.com
On fait difficilement plus ambitieux – et plus enthousiaste – que le Britannique Jocelyn Targett. Homme aux 1.000 vies, il nourrit une passion dévorante pour le sport hippique. Jeudi, il nous a confié avec son enthousiasme légendaire : « Nous avons fait de ce classique un objectif de longue date. Et pour cause, nous avons commencé à évoquer cette course depuis sa deuxième place dans le Gran Criterium (Gr2) à Milan. Physiquement, le poulain n’a jamais cessé de progresser. Et après sa 7e sortie, à 2ans, il était plus beau que jamais. Cet hiver, il est resté un mois au box pour des soins et il a peut-être fait sa rentrée un peu trop tôt. En 2023, il avait besoin de deux courses pour revenir en condition. Et c’est la faute de son propriétaire s’il a couru deux fois sur 1.400m. Ses deux derniers jockeys sont descendus de cheval en disant qu’il fallait le rallonger. On peut faire confiance à Ryan Moore et Cristian Demuro ! Je crois qu’il va falloir que je commence à les écouter ! Lors de ses dernières sorties, il n’a pas apprécié le terrain souple. Et en Allemagne, il devrait avoir une piste plus à sa convenance. Je pense que Duc de Morny va continuer à progresser cette année. Pour le classique, nous aurons Adrie de Vries. Il connaît Cologne comme sa poche. »
En terrain connu
« J’ai eu des chevaux à l’entraînement en Allemagne. Mon tout premier gagnant – en tant propriétaire – fut à Cologne en 2005. J’ai aussi décroché ma première victoire en tant qu’éleveur à Baden-Baden. En 2008, j’ai gagné une bonne course à Cologne… le jour où Adrie de Vies avait remporté les Guinées, c’est un signe ! Mon affinité avec l’Allemagne est réelle, j’ai passé des moments extraordinaires avec Mario Hofer. Mon élève et représentante Mrs Snow (Singspiel) s’était classée cinquième des 1.000 Guinées allemandes (Gr3). Mais lorsqu’ils ont imposé une taxe supplémentaire de 18 % pour les propriétaires étrangers, ce n’était plus soutenable. Les courses françaises me faisaient de l’Å“il depuis un moment et mon choix fut rapide. Depuis, mes chevaux sont entraînés en France où l’on a toujours l’espoir de garder la tête hors de l’eau ! »
L’achat de sa mère… tout un roman
Duc de Morny est un fils d’Hoku (Holy Roman Emperor), lauréate de dix courses, dont deux Listeds en Norvège, mais également deuxième, à un nez, des Firth of Clyde Stakes (Gr3) à 2ans en Angleterre. En fin de carrière sportive, elle n’a pourtant coûté que 20.000 Gns en décembre 2017, à Newmarket. Jocelyn Targett se souvient : « Dans sa page de vente, son black type britannique était noyé dans des lignes et des lignes de noms de courses scandinaves. Même si c’est une belle jument, elle n’a pas trouvé preneur aux ventes. J’ai trouvé le numéro de son entraîneur, Bent Olsen. Et j’ai donc formulé par téléphone une offre à 18.000 Gns. Nous sommes tombés d’accord sur 20.000 Gns. Ce qui me paraissait plus que raisonnable pour une jument de 6ans ayant atteint un rating Timeform de 107. Nous nous sommes donné rendez-vous dans les bureaux de Tattersalls. Le problème, c’est que je n’avais jamais vu Bent Olsen de ma vie. J’ai donc fait le tour des bureaux en disant à tous les hommes que je croisais : « Are you Bent? » – « Êtes-vous Bent ? » en français – ce qui n’a pas manqué de créer une certaine surprise. » Et pour cause, dans l’argot anglais des années 1980, « bent » signifie aussi « homosexuel ».
Une sacrée jument de course
« Hoku est une jument hors du commun. Très dure. Elle a couru 43 fois, dont 10 fois à 2ans en Grande-Bretagne, où elle s’est classée deuxième de la première Listed de la saison. Elle a ensuite été vendue en Scandinavie où elle a gagné neuf fois. C’est une vraie et belle Holy Roman Emperor (Danehill) ! N’ayant pas les moyens d’acheter des juments black types en Angleterre, j’ai souvent acheté des juments avec du caractère gras allemand. Mais au tout début, je n’avais même pas les moyens pour du black type allemand. Alors va pour le black type scandinave ! Hoku a un caractère et une détermination incroyables. Son fils a un super tempérament, il est facile et courageux. C’est vraiment un super petit cheval. Dans cette famille, il y a de vrais chevaux de course. Ce n’est peut-être pas la page la plus commerciale, mais ce sont des compétiteurs. » Duc de Morny a un inbreeding sur Sharpen Up (Atan) et ce n’est pas du tout le fruit du hasard : « Je suis un fan du sang de Sharpen Up. Et j’ai donc acquis un petit bout de son fils, Cityscape (Selkirk), lorsqu’il est entré au haras. C’était un super cheval de course qui a eu la malchance de porter la même casaque qu’un certain Frankel (Galileo). Difficile de soutenir la comparaison en termes de popularité quand vous courez en même temps qu’un tel phénomène. Bien que non commercial, Cityscape me plaisait beaucoup et il était physiquement parfaitement complémentaire avec Hoku. »
Pourquoi il s’appelle Duc de Morny
« Personne n’a voulu de Duc de Morny aux ventes. Je l’ai racheté 23.000 Gns. Christophe Ferland était à Newmarket. Le yearling lui a plu. Je lui ai donc envoyé avec en prime un message subliminal : je l’ai nommé Duc de Morny pour être certain qu’il n’oublie pas de l’engager dans le Prix Morny (Gr1). C’est un fils de Cityscape – « paysage urbain » en français – et j’aime énormément Deauville, une ville qui a été dessinée par Charles de Morny… le fameux duc ! Alors bien sûr, c’est Christophe Ferland qui avait raison, le poulain n’a pas pris part au Morny. Par contre lors de la même réunion, il a bien couru dans le Critérium du Fonds Européen de l’Élevage (L). Avec le temps, on s’est rendu compte que le premier, Victoria Road (Saxon Warrior), et la deuxième, Blue Rose Cen (Churchill)… étaient d’assez bons chevaux ! Terminer à trois longueurs de ceux-là , c’est une performance notable. »