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samedi 21 décembre 2024

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Comment la souche Rohaut est en train de conquérir le monde

Comment la souche Rohaut est en train de conquérir le monde

Entre les Guinées de Newmarket et le Kentucky Derby (Grs1), la NHK Mile Cup (Gr1) de dimanche à Tokyo est peut-être passée un peu inaperçue dans ce beau week-end international. Pourtant, le gagnant, Champagne Color, mérite que l’on s’attarde sur son cas… Il descend en effet d’une souche développée et cultivée par la famille Rohaut, dont l’histoire commence par un heureux moment… 

Il y a 70 ans, le cadeau Brescia…

Cette souche possède une longue et riche histoire, qui commença avec Brescia (Niccolo Dell’Arca), septième mère de Champagne Color. François Rohaut se souvient : « Cela fait 70 ans que cette souche est arrivée dans ma famille. Brescia était un cadeau de mariage offert par monsieur Strassburger à mes parents. Je me réjouis de voir cette famille continuer à se perpétuer dans le monde. D’ailleurs, le top price de la récente Craven Sale [par Havana Grey, acheté 625.000 Gns, ndlr] descend aussi de cette souche, qui s’est séparée en plusieurs branches. Brescia nous a donné Bergame (Hautain), gagnante du Prix de Pomone (Gr3), et Balbona (Soleil Levant), qui avait gagné le Prix Radis Rose mais n’a pas été aussi performante que son aîné. Baldwina descend de Balbona. C’était une toute petite jument par Pistolet Bleu. Elle a gagné le Prix Pénélope (Gr3) en terrain défoncé, limite courable. Elle a été vendue ensuite à Gary Tanaka. Après avoir échoué dans le Diane, elle est partie aux États-Unis. Sa dernière sortie sous mon entraînement a été dans les Matriarch Stakes (Gr1). Cela ne s’est pas très bien passé dans le Kentucky. Et, je ne sais par quel périple, elle a fini par trouver sa place au Japon, où elle a donné la classique Jeweler, après un passage en Grande-Bretagne qui sera à l’origine de Ceiling Kitty (Red Clubs), gagnante des Queen Mary Stakes (Gr2) à Royal Ascot. » Voici pour une première partie de l’histoire et nous avons retracé le périple…

Comment Baldwina est arrivée au Japon

Après le Pénélope, Eugenio Colombo a acheté Baldwina pour Gary Tanaka. Aux États-Unis, la pouliche ne confirme pas en piste. Or, Gary Tanaka n’était pas un passionné d’élevage et la jument se retrouve sur le ring de Keeneland, pleine de Tale of the Cat. Résultat : prix de réserve non atteint à 95.000 $. Eugenio Colombo finit par l’acheter pour Paolo Carlini, un Italien de Varese. L’homme a une maison de campagne en Grande-Bretagne et, amoureux des courses, décide d’y installer quelques poulinières. Mais l’élevage est dur et Paolo Carlini finit par arrêter. Il veut vendre Baldwina, alors pleine de Falbrav.

Voici donc le retour d’Eugenio Colombo dans l’affaire. Il propose la jument à Teruya Yoshida. Deal done ! Et le succès est là. Baldwina donne naissance à One Carat, par Falbrav donc, qui a gagné trois Groupes sur 1.200m. Baldwina produit ensuite deux black types, dont Jeweler (Victoire Pisa), qui remporta les Oka Sho – 1.000 Guinées (Gr1) en 2016. Les trois ont couru pour Yoichi Aoyama, éleveur et propriétaire de Champagne Color qui a certainement souhaité retrouver d’autres chevaux de cette famille en Europe. Ce fut le cas avec Memorial Life, une petite-fille de Baldwina, dénichée en Angleterre.

Quand le cocréateur de Betfair rentre dans la famille

Memorial Life est une fille de Baldovina (Tale of the Cat) et petite-fille de Baldwina. Baldovina a été vendue en même temps que sa mère à un autre italien de Varese, Edo Bulgheroni. Chez Marco Botti, elle a couru sept fois, pour trois podiums mais pas de victoire. Au printemps 2007, Andrew Black (de Chasemore Farm et cocréateur de Betfair) s’en porte acquéreur et la place chez Tom Dascombe, puis David Pipe, pour courir sur les obstacles. La réussite n’est pas là et, en décembre 2007, il tente de la vendre à Tattersalls. Elle est rachetée pour 9.500 Gns.

Baldovina intègre donc Chasemore Farm. Qui aurait pu croire que croisée à Red Clubs (l’étalon préféré d’Andrew Black) pour sa première année au haras, elle donnerait Ceiling Kitty, une pouliche suffisamment rapide et précoce pour gagner les Queen Mary Stakes (Gr2) ! Baldovina n’est plus à Chasemore Farms : elle a été achetée par King Power à la London Sale de Goffs UK, moyennant 300.000 £. Son dernier produit pour le haras de Andrew Black est donc Memorial Life, fille de l’infertile Reckless Abandon (et  reconverti en poney de polo). Memorial Life est arrivée yearling au Japon en 2016, après avoir été proposée à Yoichi Aoyama. Memorial Life n’a jamais vu un hippodrome mais la voilà mère de gagnant de Gr1 grâce à Champagne Color.

De Bergame à Balbonella

Voici pour quelques aventures internationales des descendantes de Balbona. Mais sa sœur, Bergame, n’est pas en reste ! Bonne jument de course, Bergame verra sa souche proliférer au haras. La plus célèbre de ses descendantes est certainement Balbonella (Gay Mécène) : « Balbonella m’a offert mon premier Gr1 comme entraîneur quand elle a gagné le Prix Robert Papin (Gr1). Elle m’a lancée ! Nous gardions régulièrement les pouliches mais Balbonella est passée en vente. Nous l’avions rachetée 120.000 francs, le vétérinaire l’avait scratchée. Et elle est devenue gagnante de Gr1. Balbonella avait été préparée et présentée à Deauville par le haras des Granges, qui s’occupait beaucoup de nos yearlings à l’époque. Nous avions commencé à travailler avec Max et Mathieu Daguzan-Garros en 1975 ou 76 et je garde une amitié profonde pour Mathieu. Au haras, Balbonella a eu quatre produits et quatre gagnants. » Pas n’importe lesquels : Always Loyal (Zilzal), gagnante de la Poule d’Essai des Pouliches (Gr1), Country Belle (Seattle Slew), lauréate du Prix Amandine (L) et mère de Country Reel (Danzig), ainsi que les étalons Key of Luck (Chief’s Crown) et bien entendu Anabaa (Danzig)…

Baïne, Bergame… sur Bergame !

Quand on évoque cette famille, il faut aussi parler de Baïne (Country Reel), gagnante du Prix Finlande (L), deuxième de la Poule d’Essai des Pouliches (Gr1) de Special Duty (Hennessy), où Liliside (American Post) – entraînée par François Rohaut – avait été rétrogradée de la première à la sixième place. Coélevée par François Rohaut, Baïne courait sous les couleurs de sa mère. Un croisement 100 % maison, avec un inbreeding sur la bonne origine familiale. Sa cinquième mère côté maternel est Bergame, laquelle est aussi sa sixième mère côté paternel puisqu’elle est par Country Reel : « Nous avions osé faire ce croisement et cela avait marché. Baine est désormais au haras de la Louvière, aux bons soins de Chris O’Reilly. Son premier produit, Qatar Dream (Makfi), était sous mon entraînement et il était pas mal. Cela a été un peu plus difficile depuis mais je crois que Lady O’Reilly croit encore en elle. Baïne est une fille de Benzolina (Second Empire) et j’ai une de ses filles, Baki (Turtle Bowl). Elle a bien produit : Waltham (Wootton Bassett), King Shalaa (Shalaa), ou encore Birr Castle qui est à ce moment le meilleur fils de Cloth of Stars et nous espérons le voir gagner son épreuve de Stakes. Elle a un yearling par Teofilo qui passera en vente à Arqana. Mes poulinières sont désormais au haras du Berlais. »

Une famille qui saute !

De Ceiling Kitty, une 2ans de Royal Ascot, à un gagnant de Gr1 en obstacle comme Bapaume (Turtle Bowl), lauréat du Four Year Old Novice Hurdle (Gr1) mais aussi deuxième de la Grande Course de Haies d’Auteuil et du Prix Alain du Breil (Gr1). La souche de Brescia a fait parler d’elle dans toutes les disciplines. La famille Rohaut aime l’obstacle ! Après tout, Brescia a aussi donné un champion en obstacle : Bellagio (Free Man), gagnant en 1964 de ce qui deviendra le Prix Alain du Breil… sans parler de Cadoudal (Green Dancer) ! Mais tout cela, c’est encore une autre longue et grande histoire.

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